La magie du feu

© photo : Ronis Muche

Se languir de l'été
c'est trahir et
sous-estimer
le feu

Notre vie au pied des arbres


Il y a ton petit cœur
entouré d'os
de veines
de peau
et tout autour
les arbres
nous tendent les branches
Tu pourrais
me laisser là pour
les rejoindre
vivre tout en haut
avec eux
et leurs oiseaux
Mais tu sais
que j'ai le vertige
alors nous passons
notre vie
au pied des arbres
et pour me rattraper
j'essaie de ressembler
à la douce futilité
d'un parfum de fleurs
ancré dans tes cheveux

Confetti


Le matin qui souffle
les rires restés hier
la sensation d'être
un confetti
après le carnaval

Leurs cuisses comme refuges

© photo : Bill Brandt

Un matin
qui taille
qui fume
qui lisse nos rétines
Un matin
qui arrive tôt
et repart tard
qui ne dit pas merci
qui en fout partout
squatte nos pupilles
dort dans nos têtes
Un matin
qui viole nos failles
et nos errements
Un matin effrayant
dont on se cache
au creux
de leurs cuisses

Hors-la-loi


Marauder
dans nos têtes
y cueillir
2-3 idées
piller nos petites
boîtes crâniennes
devenir le hors-la-loi
de nos trous de mémoire

Dans le ventre des écureuils


Quand elle était petite
elle me demandait souvent
où allaient les noisettes
une fois que l'écureuil
les avait avalées
Elle a cru longtemps
qu'elles disparaissaient
et que le ventre des écureuils
était un univers
un énorme trou noir
ou une sorte de
triangle des Bermudes
Si bien qu'à un moment
j'ai bien été obligé de
lui dire que les noisettes
c'était comme les
histoires d'amour
et une fois
qu'elles étaient rendues
dans nos ventres
elles finissaient
tout simplement par
tomber dans l'oubli

Parution - les Cahiers d'Adèle N°7 - février 2011


Un bon titre
JAN THIRION
Nos vies d’alcool
GUILLAUME SIAUDEAU
Yv(r)es
PATRICK PORTET
Professeur particulier
PHILIPPE LEROYER
Le vin de l’antique
HELENA NEARD
Linge
KHUN SAN
Perméables
CHISTOPHE HAVOT
Hie !
ARTHUR CRAVAN
Apnée
ELISE BLAQUE
La tournée du père Noël
DENIS SIGUR
Intoxicated man
SERGE GAINSBOURG
Je bois
BORIS VIAN
Danse dionysiaque
MARION CHOMBART DE LAUWE
Sans compter
FRANCOISE QUARDON
Rêves d’ivrognes
VINCENT LEVEBVRE
Le goût des fraises
CLAUDINE CANDAT
La fête à Fred
MANU CAUSSE
Femme
KHUN SAN
Vertige
CHRISTIANE PRIOULT

Pour plus d'infos ou pour commander, c'est ICI !

Un saut chez la Revue des Ressources


Aujourd'hui, pour lire mes poèmes, faites un saut chez : 

Nos tribus


Chacun sa tribu
ses masques
ses rites
ses incantations
ses armes
ses huttes
ses charniers à peines
ses totems
ses bijoux
ses cachettes
ses fuites
Chacun sa manière
de se rendre
là où l'on n'existe plus
à reculons

Entre-deux


Elle a dit
on plonge ?
il a dit
j'sais pas nager
Elle lui a expliqué
que c'était pas grave
qu'elle par exemple
ne savait pas voler
Il a répondu
alors on a qu'à rester
là où on est
Puis ils ont continué
à boire du vin
entre le ciel et l'eau

Le temps des gribouillages


Il y avait
autant de crayons
autant de feuilles
autant d'idées
mais la page blanche
n'existait pas

Dans le même brouillard


Tous les matins, ce type attache son chien devant le bureau de tabac. Et le chien devient alors aussi seul que la dernière pomme pourrie d'une corbeille à fruits. Le chien du type attend, son cul posé sur le pavé froid. Parce que le matin, le pavé n'est pas plus chaud qu'un mètre carré de banquise. Sa langue attend aussi, avec lui, et parfois elle glisse entre ses dents comme si elle voulait se barrer. Mais le chien la rattrape toujours. Le type met des plombes à acheter son journal, ses clopes, et à compter ses pièces. Puis il fait des sourires à la fille derrière le comptoir, qui vend sa came et quelques battements de cils. Et le chien attend toujours dehors, tout seul avec sa langue qui cherche à se tirer de là. La corde qui le relie au poteau n'est pas serrée, et il ne faudrait pas grand chose pour qu'il se taille avec la langue que son maître aime bien recevoir sur la joue. Mais il supporte encore les solitudes qui précèdent les retrouvailles. Son maître, lui, n'attend plus rien de tout ça. Il se sent même probablement moins seul quand il entre dans le bureau de tabac que quand il repart avec son chien triste et sa langue. Mais ils repartent ensemble tous les trois. Le type, son chien, et sa langue. Dans le même brouillard. Ils sont seuls chacun de leur côté et la laisse est une sorte de petite troupe qui danse entre leurs peaux. Si le vieux venait à crever, le chien passerait surement le restant de sa vie à attendre devant le bureau de tabac qu'il en sorte. Si c'est le chien qui crève le premier, le vieux, lui, finira probablement ses jours dans le bureau de tabac. Avec le sourire et les cils de la fille derrière le comptoir. Mais ce matin encore, le type et son chien repartent seuls dans le même brouillard, avec l'optimisme d'une laisse qui danse entre leurs peaux.

Mots-dans-le-vent


Chaque jour
j'accouche
de p'tits poèmes
de grands
de gros
de maigres
Il n'y a jamais de douleur
et chaque jour
je les relis plusieurs fois
J'essaie qu'ils me ressemblent
puis je les abandonne
dès qu'ils parviennent à mettre
un mot devant l'autre
Chaque jour le paysage
plante sa graine
dans mes yeux
et ma progéniture textuelle
remplace celle de la veille
Je trouve cela
plutôt rassurant
d'être autant entouré
Mais moi ce que j'aime
par dessus tout
c'est leur donner un prénom
Celui-ci est mon p'tit dernier
et il s'appelle
Mots-dans-le-vent

Nos trajectoires


Coups de pieds au cul
voyages aériens
descentes aux enfers
immobilité au fond du trou
quand nos vies se prennent
pour des balles de golf

Longue carrière


Il n'a pas vraiment
d'explication à cela
ses cheveux tombent
le temps grise ses sourcils
et il marche
de moins en moins droit
Mais tout ça
n'a pas vraiment d'importance
comparé aux paumes
de ses mains
abandonnées depuis
plusieurs années
qui ressemblent aujourd'hui
à ces vieilles carrières
à ciel ouvert

Jeu de miroir


Contempler le paysage
qui dans un écho
nous contemple

La révolte des mots


Aujourd'hui sera
un jour sans "peut-être"
il n'y aura que
des "oui" ou des "non"
des persuasions
des valeurs sûres
et les "oui" passeront
une journée entière
à essayer de
tuer des "non"

Attendre de brûler


Attendre le soleil
sa longue descente
vers les pierres
sa chute
sur les lacs
Attendre que le soleil
brûle les herbes
et saccage les champs
Son poids sur les vieux murs
Devenir un lézard

Traces de lèvres


Dans la tête
des hommes
les souvenirs
de ses lèvres
sont des
"il était une fois"
qui eurent
beaucoup d'enfants

Avis de recherche


Poème de quelques mots
vêtu de quelques vers
disparu hier soir
entre 23h et minuit
a été vu pour la dernière fois
au fond de ma cervelle
entre deux idées
Si quelqu'un a aperçu
ce poème
prière de me contacter
par transmission de pensées

Lassitude 0


Les yeux
comme les aquariums
ne subissent pas
la lassitude
des regards prolongés

Les chaussures


On s'adapte comme on peut aux nouveaux environnements. Il faut du temps, des regards, tester, jauger, que nos pieds nus enlacent herbe et terre. On vagabonde, on prend ses marques, on réapprend, autrement. On hésite, on tombe, on se relève, les distances changent, les arbres bougent, le rapport aux choses se réinvente, les sourires se perdent dans un nouvel univers. On trouve petit à petit un équilibre bancal de vieille chaise. On fait du neuf avec du vieux, on n'est pas à l'aise, au début, et puis les formes finissent par nous épouser. Ce n'est pas grand chose après tout. Ça nous semble être déjà beaucoup. Nous étions bien dans notre ancien terrier, les marques de nos fesses dans sa terre et les traces de nos mains sur ses parois. Ce n'est pas grand chose après tout. Au fond, changer d'endroit n'est pas plus difficile que de changer de chaussures.

Cœur aux abois


Saute
tais-toi
couché
va chercher
au pied
Tous ces ordres
qu'on lui donne
quand on prend
son cœur
pour un chien

Sous ma peau


Je crie de l'intérieur
je n'ouvre pas la bouche
ça gonfle mes poumons
et le cri devient un souffle
Puis ça se dégonfle
je ne fais pas de bruit
j'apprends à crier en silence
Il y a plusieurs façons de crier
autant que d'aimer
et se battre
moi je crie de l'intérieur
Si vous entendiez le boucan
sous ma peau

Singe d'argent


Certains matins, l'horizon est un singe d'argent. Certains matins, l'horizon fait de grands gestes avec ses bras de coton, les immeubles sont des barreaux, et la rue devient zoo. Nous devons tordre le cou pour apercevoir le fond de la cage. Certains matins, il y a ce singe au loin qui nous fait ses grimaces. Et il nous faut l'observer de l'autre côté des barreaux, tassés dans le brouillard plastique des villes où nous sommes devenus des cacahuètes.

Du balai !


Le temps d'une nuit
les rêves s'épluchent
les cauchemars s'émiettent
et le matin passe le balai

Flaque

© photo : Photos PK

Le jour s'ouvre
comme une flaque
dans laquelle il faudrait
sauter à pieds joints

Il ne volera plus


Petit corps d'oiseau
au pied de l'arbre
et tout l'univers
qui le regarde
se décomposer

Ils n'auront pas ça


En fouinant
ils ont trouvé
un deuxième soleil
et les corps intacts
de trois enfants incas
au sommet d'un volcan
Dans la méfiance
je viens de planquer
le premier dessin 
de ma petite nièce
qu'inconsciemment
j'ai déjà laissé
bien trop longtemps
à la vue du monde
sur mon frigo

Le jour et la nuit

© photo :Antonio Turok

Elle avait
des lunettes de soleil
tellement grandes
qu'on ne voyait pas
un millimètre
de ses yeux
Et lui qui avait toujours eu
une peur bleue
des éclipses...

Mes pouvoirs limités


Il pleut
dans le ciel
dans tes yeux
j'ai bien le pouvoir de
quelques mots
mais pas encore celui de
me transformer
en soleil

Rond comme la nuit


Ses cuites sont des hiboux
qui ne chassent plus rien
et crèvent de faim
tous les matins

La mer jaune


Dans son verre
est une mer qui se déchaîne
et ses lèvres-siphon
écopent comme elles peuvent
Flux et reflux de whisky
les vagues ocres
qui l'énervent puis
le calment
Bientôt l'équilibre
se perd dans les recoins
de la pièce
Et sa vision qui tangue
comme les coquilles de noix
qu'enfant il jetait à l'eau
Il n'a jamais eu le pied marin
ni le vent dans le dos
pourtant il a rarement navigué autant
que depuis que son verre
chaque matin
accepte d'être le copilote
de sa croisière sans retour

Lapin de garenne




Cliquez pour lire en grand
Nouvelle parue dans la revue Rue Saint-Ambroise N° 26

Le triste destin des ombres


Une ombre
pour se tapir dans l'ombre
doit mourir

Faire-part divin


Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir
mais dis seulement une parole et je
remettrai sur le feu la cocotte-minute
couperai des carottes
et grillerai de la viande
déboucherai du bon vin
rebrancherai mon vieux tourne-disques
laverai le sol et rangerai les toiles
que les araignées ont semé
aux quatre coins du plâtre
cirerai le parquet
ne ferai pas dans la dentelle
sortirai cristal faïences et vieux couverts
de tante Alexandrine
poinçonnés d'argent
tordus de trop avoir servi
Je m'apprêterai enfilerai
les plus beaux apparats
les plus belles échancrures
l'eau de Cologne coulera de mon cou
jusque dans mes chaussures
n'aurai plus qu'à attendre ton doigt
sur la sonnette
voir ta silhouette par le judas
déverrouiller le loquet
pour une fameuse soirée
autour des meilleures choses
que mes placards aient jamais dégueulé

[Poème paru dans Microbe]

Les crevasses ne manquent pas


Une belle chronique de Stéphane Beau
sur mes "Quelques Crevasses", 
et "Celle qui manque" de Cathy Garcia
à lire sur le site du Grognard.
Merci à lui !

Miam miam !


Un p'tit poème à manger aujourd'hui sur FPDV.

Des munitions


Son cœur est
une cartouchière
et parfois
des filles de passage
lui refilent
quelques balles

La lumière au bout du tunnel


La lumière au bout du tunnel
c'est un truc à la mode ça
la lumière au bout du tunnel
Ce truc qui finirait
par nous attirer
nous éblouir
nous faire croire que

Mais que les gens
ne se fassent pas trop
d'illusion
il m'est d'avis
qu'au bout du tunnel
il n'y a pas autre chose
que la seconde entrée
du tunnel
avec la même lumière
provenant cette fois
du bout par lequel
nous étions entrés
quelques minutes auparavant
et ce fameux sentiment divin
de s'être fait baiser
une dernière fois

Graveur de pierre


Le langage absolu
des caresses
leurs choses avouées
avec les ongles
leurs confidences
griffées
gravées
taillées
à même la peau

Écran plasma


Il aime voir dans
les yeux de cette fille
les nuages défiler
les tempêtes s'endormir
les orages iriser
la nuit
qui tombe
Il passerait des heures
à les regarder
comme une télé
dont il se moquerait bien
qu'elle ne possède
qu'une seule chaîne

Un train s'échappe


Au loin
un train s'échappe
un cri dans l'horizon
couteau aiguisé
des tunnels
anguille métallique
sous les roches
cotonneuses
du ciel

Un souvenir plein de plumes


Il prend le sentier. Celui qui commence comme une queue de serpent et se termine en gueule ouverte sur le précipice. Il fait un froid d'azote liquide mais quelques moineaux sont au rendez-vous, posés ça et là sur des fils ou des piquets de clôture. Son cœur est un glaçon qui serait resté trop longtemps dans le congélateur. Il y a bien le souvenir de cette fille qui fait un peu le pic à glace, mais impossible de venir à bout de cette pellicule gelée. Il regarde ses pieds, jette ses rétines plus loin, mais ses yeux reviennent sans cesse lustrer ses pompes. Il a souvent pris ce chemin ces derniers temps, avec l'envie de se lâcher comme un leste dans la gueule ouverte au bout du sentier. Il y a bien le souvenir de cette fille qui bat un peu des ailes autour de sa tête, mais il ne parvient pas à se poser dans le nid de ses cheveux. Il marche longtemps comme ça. Ce qui lui semble être une éternité n'est en fait qu'une poignée de minutes. Il arrive enfin devant la gueule ouverte au bout du sentier. Cette fois-ci il va vraiment le faire. Il y a bien le souvenir de cette fille qui fabrique des petites gouttes sous ses paupières, mais il a la gorge bien trop sèche pour que les larmes irriguent sa mine de jardin sauvage. Il est à deux doigts de sauter. Mais alors qu'il pose un pied dans le vide, il se passe la même chose qu'hier et avant hier. Le souvenir de cette fille craque une allumette et son cœur redevient un feu de joie. Alors il rentre en sifflotant, l'air de rien, un souvenir plein de plumes sur son épaule.

Au fond


Le fond du verre comme
le fond de ses yeux
Toucher le fond
pour se sentir
vivant

Atterrissage forcé


Dans les films
ces avions qui passent
au dessus de la tête
Ces femmes cheveux au vent
juste en dessous
Ces flaques de ciel bleu
et rochers de nuages
tout autour
Et puis
ces génériques de fin
avec atterrissage brutal
lorsque l'écran devient boîte noire
et les lumières s'allument
comme des centaines de fusées
de détresse