L'animal sous la peau

© photo : Francesco Sambo

Un cœur d'homme se dresse
comme un animal
Il est des cœurs en cage
et d'autres qui gambadent
des cœurs qu'on abandonne
ou que la nuit écrase
et certaines femmes qui dansent
au milieu de la meute

Les pieds dans le petit matin

© photo : Heinz Hajek-Halke

Une nuit qui étouffe. Coincée entre deux jours. Avec nos rêves pour couverture et ceux des animaux comme une petite bouillotte aux pieds. Les longues jambes frigorifiées de la nuit. Ses genoux posés à 3h et ses orteils dans le petit matin. Une nuit étranglée de soleil, qui lutte pour se frayer un chemin entre les muscles du jour. Et lui qui résiste et qui sue. Qui vers 5h serre aux chevilles et amorce la chute du corps sombre qu'il est venu remplir. Une nuit qui étouffe et qui meurt, entre un milliard de bras chauds. À l'heure fatidique où le ciel crie de son plus bel orgasme.

Nos corps échoués


Échouer au bord de la nuit
chaque matin
avec au fond des yeux
nos minuscules traumatismes
et nos corps humides
allongés côté à côte
sur la plage d'une journée
qu'on traversera
en rampant

Dialogue de sourds


- Tu fais quoi demain ?
- Je pense à aujourd'hui
- On se voit hier alors...

Extrait du film "Dialogue de sourds en 4 dimensions", 2097.
Pour lire les autres extraits de films fictifs cliquez sur le libellé FILMS, juste en dessous.

Le plus petit carnage


Le plus petit carnage
qui soit
à cet instant précis
lorsque
la première goutte de pluie
dévore
le dernier rayon de soleil

Son nom indien est nuage noir


Quand elle traverse la rue
on ne se retourne pas
Elle a sur les épaules
une tête triste
à contempler ses pieds
alors tant qu'on la regardera
passer comme un corbillard
elle continuera à jouer
au nuage noir
avec le ciel

Le poids du monde


Elle tire un chien
tire un boulevard
bientôt
tire la ville
et le soir venu
rentre chez elle
avec sur le dos
une bonne partie
du monde

La tarte neurasthénique


 INGREDIENTS :

- De la pluie (plusieurs averses répétées)
- Un coffre de vieilles photos (de préférence ayant reposé plusieurs années)
- "hey, that's no way to say goodbye" en boucle
- Laisser monter plusieurs heures

Les filles quand elles s'endorment


Il en a vu passer beaucoup
dans son lit
dans ses mains
Il a regardé
une tapée de paupières
se verrouiller
et chaque fois il se demande
si toutes les filles
quand elles s'endorment
ont l'air aussi tristes
qu'une coquille d'escargot
en morceaux

Boîte de conserve

© photo : Henry Thomas

Ouvre-moi
comme une boîte de conserve
vide-moi
réchauffe-moi
mange-moi
fais la vaisselle
dans ma tête

Carcasse Grouillante - Editions Centrifuges - mars 2011



Merci à Aaron Clarke de m'avoir invité
à gribouiller 4 exemplaires de ses bêtes. 
Voici donc "Carcasse Grouillante"
décliné sur 4 exemplaires uniques, 
à base de vieux journaux,
de papier d'Arches,
et d'un feutre qui sent le sapin.
Pour visiter le zoo d'Aaron
et caresser ses autres bestioles, 
c'est par ICI

Retaper une certitude

© photo : Compagnie dernier soupir

Acheter une vieille certitude usée
la retaper avec ses doutes
des amis et du vin

Elle, ses copines, le printemps et la bière


Elle et ses copines ont des bouches couleur fraises des bois. Elle et ses copines ont des jupes qui couvrent tout juste leurs pubis. Elle et ses copines ont des cuisses à arriver en retard au boulot. Elle et ses copines ont des yeux qui complotent avec le printemps. Elles et ses copines ont compris que le soleil en avait encore pour longtemps avant de s'enliser derrière les collines. Elle et ses copines passent leur temps à se balader le nez en l'air, mais lui et ses copains ne marchent plus très droit, ont le regard court, et il leur faudra bien toute la journée avant que les bières fraîches foutent le camp de leurs mains pour de bon.

Cercle vicieux de supermarché


Ce poème pourrait
commencer comme ça
avec un type qui attend
à la caisse d'un supermarché
et une fille qui arrive
en bout de file
Alors ils se lanceraient
deux trois regards
ils fixeraient leurs pieds
puis leurs yeux
et ils comprendraient vite
qu'ils ne sont pas faits
l'un pour l'autre
Alors le type paierait ses courses
avant de retourner se perdre sur le parking
et elle attendrait au bout de la file
que d'autres types viennent
essayer ses yeux
Et le poème finirait
presque comme il a commencé
avec une fille qui attend
à la caisse d'un supermarché
et un type qui arrive
en bout de file

Parution - IF mag n°3 - Mars 2011


Le 3ème opus d'IF magazine vient de sortir, 
avec à l'intérieur des textes de : 
Luc Assens
Sylvain Bouyer
Damien Tenenbaum, 
Guillaume Siaudeau
Nolwenn Durand
Aude Fournié
et plein d'autres choses... 
C'est gratuit, c'est plein de vagues
et si vous voulez en savoir plus 
ou savoir où le dégoter
c'est ICI !

La fatigue est un coffre à jouets


J'attrape au vol
tes sourires
le printemps
sur tes joues
tes yeux brillants
au fond de la nuit
tes larmes arides
tes doigts appliqués
et je range tout ça
dans les poches
sous mes yeux

Des milliards de bouteilles à la mer


Chacun ses naufrages
chacun sa façon de sombrer
chacun ses pertes
chacun son avion qui passe
sans regarder en bas
chacun ses feux et ses fumées
chacun sa solitude et ses requins
chacun sa bouteille à la mer

La balade du néant


Au creux d'une main
une autre main
un animal blessé
ou le néant
qui fait l'aller-retour
entre deux rides

Le grand porte-manteaux


Elle pose son ombre
manteau de bitume
à côté d'elle
et le parc devient soudain
le plus grand porte-manteaux
que ses yeux aient
jamais porté

Sur leurs dos


Quantité de paysages
et autant de regards
où l'on essaie de
faire fuir ses yeux
à dos de rêves

Juste ce qu'il faut de bagages


Tous en route
vers la mort
moteur en sous-régime
pied mou et
compteur faiblard
escargots d'autoroute
avec pour seuls bagages
nos petites vies

Les yeux trop loin


C'est une fin d'après-midi banale, avec soleil en décomposition et ribambelle de nuages. Les restes de lumière s'agglutinent à leurs pieds et réchauffent le silence. De petites braises pour mutisme frigorifié. Ils regardent ce feu imaginaire et l'attisent du regard. Ils sont assis comme ils seraient debout à attendre un bus, ou quelque chose d'ennuyeux à attendre. Bientôt le feu s'amincit et les nuages soufflent un peu de noir. Ils sont restés là une heure sans que rien ne sorte de leurs bouches que de longues guirlandes de soupirs. Ils s'en font des colliers. Le genre de longs colliers très moches qu'on n'offre pas à quelqu'un qu'on aime encore. Alors ils repartent, chacun leur guirlande autour du coup et les yeux trop loin pour espérer relancer le feu une dernière fois.

Cogner l'horizon


Frapper des yeux
dans le punching ball
que le nouveau matin suspend

Dans les grands espaces

© photo : Fox Tongue

Vieux démons
aux dents longues
poil rêche
Souvenirs aux
caractères bien trempés
Et ce besoin inaltérable
d'apprivoiser
les bêtes sauvages
qui ruminent
dans les grands espaces
de nos têtes

Tes lèvres


Quand donc
arrêteras-tu
de prendre tes lèvres
pour mes horizons ?

Larmes à ras bord


Cette fille est si triste
qu'on devrait classer ses joues
en zone inondable

Déguisement de soldat


Le soleil pose sa main
sur ton front
et te déguise
en petit soldat de lumière
Mes yeux s'éclairent

Vous devez être 
un sacré paquet
comme ça
chaque matin
à illuminer nos tranchées
d'un éclat

Le jour de boire


Allons enfants
à la party
le jour de boire
est arrivé

Les petites dégénérescences du monde


Nous sommes
les petites dégénérescences
du monde
ses petits fruits pourrissants
et le ciel parfois
nous ramasse
pour faire sa confiture

Nous ne sommes
qu'à grand peine
les chairs juteuses
qu'on presse
qu'on écrase
qu'on envoie
cracher ses pépins
dans les crevasses mentales
Nous sommes déjà
tombés de l'arbre
et livrés à nous-mêmes
sous les crampons du ciel

Nous sommes entassés
dans le même panier
certains déjà mâchés
d'autres encore trop durs
pour être avalés
Nous sommes
les petites dégénérescences
du monde
qui se fissurent et laissent
pénétrer les saisons

Nous sommes
les altérations
les malformations
les dystrophies
le déclin
du monde
et parfois il lui faut
juste passer la langue
sur nos poussières
pour éliminer
le grattement de nos pas
sur son corps

Nous sommes
ses petites dégénérescences
ses choses à mourir
ses boutons purulents
à éclater

Celui qui posait des lapins


3 ans
4 peut-être
qu'ils sont arrivés
ici
et leurs rides
et leurs peines
peu à peu se
dressent en petits tas
sur leurs visages
Le soleil
lui
n'a pas changé
continuant à leur poser
quelques lapins
dans les jours qui déçoivent

Espoirs et champignons


Au printemps
On ne trouve pas de rouge
sur les lèvres des cerisiers
De même que
le soleil préfère
couler en été
le gel ouvre depuis toujours
ses valises
dans le cœur de l'hiver
et les espoirs
comme les champignons
dépendent pas mal
des saisons

La grande pilleuse


Nuit pilleuse d'enfants
faucheuse de rêves
quand elle déplie le drap brun
pour y noyer ses étoiles
Nuit cogneuse d'enfants
quand elle accroche ses harpons
sur les lampadaires froids
Les mômes la peur au ventre
s'en remettent à la lune
la bave de leurs sommeils
les louanges de leurs songes
les yeux mi-clos qu'ils font rouler
dans la pénombre
bonbons luminescents
qui avalent les plaintes animales
Là où une flamme de briquet
est encore capable d'iriser
tous les cauchemars

L'œuf ou la poule ?


Une petite question métaphysique sur Vents contraires.

Corps-trotteur


Voyager en toi
te traverser
Jusqu'au bout
de tes mains
jusqu'au bout
de tes pieds
Un globule blanc
dans ta rivière
de plasma

Le retour des oiseaux


La nuit plus rien ne chante
les nez sifflent
les ascenseurs grincent
les animaux se déchirent
les cordes vocales
La nuit il faut avoir
les oreilles bien accrochées
pour attendre calmement
le retour des oiseaux

Corps à malaxer


Notre chair rose
pâte à modeler
le squelette
revêtement dédramatisant
viande longue conservation
isolant cutané
et nos os par centaines
fourmillant
là-dessous

Canis lupus futilitus


- On joue aux humains ? hurle le loup à la louve
- D'accord mais c'est toi l'humain !
- Oh nan, c'est toujours moi l'humain...

Parution - La Femelle du Requin n°35 - Mars 2011


AU SOMMAIRE : 

Fictions : Hypnose
Sans titre (en trois temps), Yvan Corbineau
Sous tes Paupières usées, Guillaume Siaudeau
Votre Âme est un paysage choisi, Fabien Courtal
Critique de l'hypnose impure, Claro
Rencontre + inédit : Claude Louis-Combet
Présentation et résumés
Ma Façon d'aimer, entretien
Autoportrait de Lune sous hypnose, inédit de Claude Louis-Combet
Intérieur nuit, Christian Casaubon
Le Diable au corps, Laurent Roux
Cette Part d'ombre radicale, Sylvain Nicolino
Comme un Trou au milieu, Fabien Courtal
Rencontre + inédit : Christophe Manon
Présentation et résumés
À travers la voix des autres, entretien
Jours redoutables, inédit de Christophe Manon
L'ultime Bataille, Sylvain Nicolino

Pour plus d'info, ou pour commander, c'est ICI

Ce qui donne des ailes


Il s'est entiché
de cette fille
a transformé ses bras
en pinces
Sûr que
le jour où elle deviendra
un fil électrique
il fera tout
pour être un oiseau

Les charognards dans nos têtes

© photo : E. Merlé

Te fais pas trop d'illusions
ça se passera comme ça
nous deviendrons
des montagnes arrondies
de vieilles rocailles gelées
avec à leur sommet
encore un peu de place
pour les charognards
de passage

Avant les grands bombardements


Là-haut la pluie attend dans les nuages que nous pointions nos petites gueules dehors. Les oiseaux se passent le mot. Des peines sortent des becs et les dessous de toitures deviennent amas de plumes. Avant les grands bombardements liquides chacun s'arme comme il peut. Il y a le camp des parapluies et celui des cheveux mouillés. Moi je n'aime pas les parapluies. Pas besoin de gilets pare-gouttes pour arriver vivant au turbin. Les parapluies servent à protéger la routine. Et tant que les bombes restent des gouttes, les guerres sont supportables.

La meute


Une meute de rêves
peut-elle venir à bout
d'un seul cauchemar ?

Jour banal de transition

© photo : Thimoty Allen

Un jour comme un autre
la suite d'une nuit
en plus clair
en plus net
en moins vertigineux
Le tremplin vers
une autre nuit

C'est pas comme le vélo


On apprend
à marcher
à parler
à lire
à vieillir
à aimer
C'est comme le vélo
ça s'perd pas
Et au milieu de tout ça
les souvenirs sont
des petits animaux
des compagnons fidèles
Pourtant jamais
on n'apprend à perdre
un compagnon

Lancement magazine IF #3

[Clic-clic...]

Avis à la population...
Le vendredi 18 mars sortira le 3ème opus de
l'Intensément Frivole magazine IF
avec à l'intérieur une petite contribution de ma part.
Pour l'occasion, l'équipe vous invite à une soirée de lancement, 
au 11 descente de la Halle aux poissons, galerie GHP, Toulouse.
Toulousaines, Toulousains, ou Voyageurs en escale
vous voilà cordialement invités.

Les choses qui nous rendent vivants


Ces choses-là, qui pointent, qui fusent, pour faire apparaître le jour et disparaître la nuit. Ces engrenages végétaux et roulements sauvages. Reflets découpés dans les lacs et vertèbres d'arbres brisées. Ces horloges naturelles et processions de fourmis. Ces animaux qui rentrent au terrier avec la lenteur des paupières qu'on ferme pour la dernière fois. Ces machinations rurales et complots aériens. Ces bouffées de vent dans les interstices des champs. Ces petits vacarmes-là. Ces choses qui pour nous rendre vivants se déchirent et deviennent des orgasmes.