Comme on contemple un paysage


Il sait
qu'on ne contemple pas
un mur de béton et un pré
de la même manière
mais les choses seraient
tellement plus simples
si elle le regardait
comme un beau paysage

Réveil décousu


Que faire de
ce fil de lumière
de cette étoffe de poussière
de cette aiguille de soleil
posée sur la table de nuit ?
Finalement
je me rendors

Votre petit manège


Je ne suis pas dupe
Toi et le soleil
complotez dans mon dos
depuis plusieurs années
Mais je ne saurais dire
lequel de vous deux
à donné l'idée à l'autre
de me faire aller ainsi
de l'avant

En travaux

© photo : Doug Aitken

Le sentiment que tout est à reconstruire. Trouver d'autres écrous où revisser ses yeux. Refaire couler la chape tout autour de son cœur. Bêcher les allées sèches au dessus de ses paupières. L'impression qu'il faudra des années pour remettre sur pied la bicoque abandonnée qu'il est devenu. Refixer les images échouées au centre de sa tête. Réhabiliter un chemin à suivre, long et bordé de fleurs. Arracher les mauvais souvenirs et replanter des songes. Mais dans un premier temps, surtout, retrouver ses outils.

Entre deux bateaux


Il traverse le pont
c'est là qu'ils se sont rencontrés
au milieu des bateaux
sur le bitume chaud
entre deux eaux
C'est de là qu'il aimerait sauter
l'endroit parfait
quand on ne sait pas nager
mais le risque est grand
de tomber sur un bateau
qui l'emmènerait
assez loin pour
recommencer à vivre
et peut-être
qu'il n'en a plus envie

Fraises bleues


Là-bas
le ciel est couleur fraise
mais les fraises
n'existent pas

si bien
qu'il ne saurait plus dire
de quelle couleur
étaient ses yeux

Il prétend qu'ils avaient
la couleur d'une fraise
qui n'existe pas

Grimpette


Un pied sur hier
une main sur demain
les dents de ton sourire
sont des piolets

Parution - Florilège n° 144 - Septembre 2011


Le numéro 144 de la revue Florilège vient de paraître. Au sommaire :

Johel Mitéran, Guillaume Siaudeau, Sylvie Righetti, Skadeline, Jean-Michel Hatton, Hafsa Saifi, Jean-Louis Bernard, Olivier-Félix Hoffmann, Stella V. Radulescu, Christian Amstatt, Louis Lefebvre, Jean Claval, Yvan Avena, Michel Autrand, Elisabeth Reyre, Bruno Curatolo, Hugues Laroche, Annick Paparella-Cullard, Nicole Hardouin, Louis Delorme, Florent Lhuissier

Plus d'infos ICI !

Solutions alternatives


Se foutre en l'air
en suivant des yeux
les oiseaux

Repos de colère


Parfois
il n'existe plus rien
qu'un long silence
pour faire s'endormir
tranquillement
une colère agitée

Les lamelles de l'horizon


Observer l'horizon
à travers le store
de la cuisine
comme fouiner
dans le ventre d'un zèbre
qui aurait mangé
n'importe quoi

Rouge colère / Blanc cachet


Ne t'étonne pas
si je m'emporte
un peu ce matin
Depuis toujours
je calque
mon humeur
sur la couleur
des nuages

Dormir dehors


Heureusement
que cette fille
qui a un nom
à coucher dehors
a aussi un regard
à allumer des feux

Tueuse de rêve


La lumière marche
sur la pointe des pieds
entre dans la chambre
par la fenêtre
escalade le lit
laisse ses traces de pas
sur l'oreiller
grimpe sur nos visage
endormis
et dans le silence
du petit matin
se jette sans pitié
sur nos rêves innocents

Voie de détresse


Au bord du fossé
une gentiane
pétales écarquillés
un petit peuple
de pissenlits curieux
une carcasse de chat
quelques mouches
et mes yeux

Les prédictions de Dents-cassées


Nous sommes foutus. Dents-cassées a raison. Dents-cassées c'est le vieux type qui reste devant chez lui à regarder les bagnoles passer. Dents-cassées l'a prédit depuis longtemps. Nous sommes foutus. Dents-cassées dit que quand autant de types se battent pour si peu de choses, la sueur qui dégouline de leur cou est une essence d'échec. Foutu que nous sommes. Parce que nous sommes ces types qui se battent pour peu de choses. Dents-cassées, lui, il reste là les bras croisés avec ses prédictions et ses "j'vous l'avais dit". Et les bagnoles défilent avec dedans des types qui se battent pour peu de choses. Nous sommes foutus parce qu'il n'y aura pas assez de peu de choses pour tout le monde. Alors on monte dans des bagnoles et on passe devant Dents-cassées. L'air de rien. Et Dents-cassées observe le pneu et le bitume se frotter le plastique. L'autre jour jour on lui a dit qu'il restait un petit espoir. Mais il n'a rien voulu savoir. Nous sommes foutus et Dents-cassées fait tomber ses bras le long du corps en répétant que nous sommes foutus. Trop de types pour peu de choses. Il faudrait soit éliminer le malaise des types, soit augmenter le nombre de peu de choses. Mais on se contente de filer vitres ouvertes vers le plus de malaise et le moins de peu de choses. Alors nous sommes foutus. Et c'est pas Dents-cassées qui dira le contraire.

Parution - Nouveaux Délits n°40 - Oct. nov. déc. 2011


Le numéro 40 de la revue Nouveaux Délits paraîtra début octobre. On y retrouve quelques-uns de mes poèmes, et plein d'autres belles choses.

AU SOMMAIRE : 

Délit d’amour :
Hommage à Beb Kabahn (1974-2011), graphicultrice de stigmates, écrivière en proséïe et tellement plus et encore.
Hommage à Yann Orveillon (1941-2011), poète et voleur de feu, au cœur océan.
Délit de poésie : Muriel Modély, Patrick Aveline et Guillaume Siaudeau
Résonances : 1 livre, 1 recueil, 1 groupe de musique, 1 couple de photographes.
Délits d’(in)citations s’éparpillent comme toujours à l’automne et vous trouverez le bulletin de complicité, très au fond en sortant, qui adore jouer lui aussi les feuilles au vent...
Illustratrice : Corinne Pluchart

Pour plus d'infos, ou pour lire l'édito de Cathy Garcia, c'est par ICI.

Se relever de tout ça


La nuit, les feuilles, les verdicts, la neige, les têtes, les cheveux, les sentences, la foudre, les oisillons, les bras. Toutes ces choses qui tombent autour de nous et au milieu desquelles il nous faut nous relever.

La nuit se bat avec les poissons rouges


Deux chroniques à lire sur Le Pandémonium Littéraire :
Une approche de "La nuit se bat sans nous" par ICI
et une petite dissection de "Poissons rouges" ICI
Grand merci à Marianne Desroziers.

Grasse matinée avec le fantôme du train

Photo : Stanley Kubrick

Tu es partie
très tôt
J'en sais quelque chose
parce que
je me suis levé
pour aller te conduire
Quand je me suis recouché
il y avait encore
ton empreinte dans le lit
et j'ai eu l'impression
de finir la nuit
avec le fantôme d'une fille
qui vient de prendre un train

Préparation au combat


Compte tenu
de la facilité
avec laquelle
chacun parvient à faire
de ses problèmes
une succession
de petites guerres informes
il m'apparaît nécessaire
d'anticiper le jour
où les hommes
comme des pigeons
en viendront à se battre
pour une frite ramollie

Énigme médico-pluviale


Comment relier
une goutte
à un goutte à goutte
sans la tuer ?

Porte à porte


Lorsque cette idée
m'est passée
par la tête
je me suis demandé
de combien d'autres têtes
elle s'était faite chasser
avant d'atterrir
à la tombée de la nuit
seule et épuisée
au bout du rouleau
et m'implorant de lui laisser
une dernière chance
au fond de la mienne

Amour à la tronçonneuse


Parfois cette impression
de vivre
dans un film d'horreur
à l'eau de rose

La rengaine des saisons

© photo : Bill Brandt

L'été confie
ses arbres épais
à l'automne

Ce dernier les effeuille
un par un
et laisse
à l'hiver
le soin de les achever

Un beau jour
le printemps revient
la fleur au bec
et l'air guilleret
qui redresse
ces petites branches fracturées

Puis s'en repart
sur la pointe des pieds
le spécialiste fugitif
du bouche à bouche intensif
sur chlorophylle agonisante

Dans la gueule du loup


L'horizon serait
une gueule de loup
Nous nous y jetterions
Nous apprivoiserions
cette délicieuse captivité
en caressant l'inconnu
de l'intérieur

De quoi te requinquer


Ouvre la bouche
tire la langue
 
Cette goutte de pluie
est une pilule
pour ranimer
les fleurs fanées
 
Tu es une fleur fanée

Sacrifice floral


À croire
que les fleurs
ne flétrissent que
pour te laisser 
le monopole
des regards contemplatifs

Table dressée chez Vents contraires


Quelques restes à picorer chez Vents contraires.

Corriger et se blottir


L'écriture est 
un animal acariâtre
qui vit
de caresses
et de roustes

Nécrologie - Joshua Perkinson


La nécrologie de Joshua Perkinson, 
est à lire aujourd'hui chez Le Grand Bazart.

Un peu de nuit chez le Grognard


Une critique flatteuse, de celles qui ne laissent pas les pommettes indifférentes, est à lire sur le site du Grognard.
Merci à Stéphane Beau pour cette belle vision de "La nuit se bat sans nous".

Ultime lâcheté


Il n'y a pas
36 autres façons de mourir
qu'en abandonnant
derrière soi
tout son amour
et toute sa haine

Strabisme prononcé


Ce type n'en revient pas
mais avec un strabisme pareil
comment peut-on
en croire ses yeux ?

Si je t'attrape enfoiré


Si on pouvait voir
le temps passer
je pense
qu'il aurait
un slip étoilé
une cape
une étincelle sur les dents
et qu'il se foutrait bien
de notre gueule

Dans le premier taxi qui passe


Que peut bien foutre ce type à l'arrêt de bus ? Le dernier bus a embarqué les derniers éclopés il y a plus d'une heure, et ce type est là tout seul avec la nuit et son gros sac froissé. Il y a quelques heures il aurait eu l'air d'attendre un bus, mais là, il n'a vraiment plus l'air d'attendre grand chose. Peut-être qu'il est chargé de surveiller le panneau de bus. Y a tellement de métiers bizarres. Ou alors ce type s'est fait poser un lapin par une fille qui l'a appelé ce matin et qui lui a dit "rendez-vous ce soir à côté du panneau d'arrêt de bus, pense à apporter ton vieux sac froissé". Vu du quatrième étage, je penche plutôt pour cette version : le type au gros sac froissé fait semblant d'attendre un bus mais il préférerait sauter dans le premier cœur qui passe et rouler toute la nuit.

Petit-déjeuner de rêve


Chaque matin
nos rêves se lèvent
et s'enfilent
les restes de déception
de la veille

Le chant des petites cylindrées


Il rentre des courses
Celles qu'on fait
avec un caddy
et des files de gens
qui attendent qu'on bipe
leurs boîtes de conserve
et leurs paquets de lessive
Pas les courses avec
les chevaux et leur crinière
dans le vent

Sur la route du retour
il trouve les gens qu'il croise
bizarres
et un peu tristes

Sa vieille bagnole
elle
a toujours le même son régulier
et réconfortant
de moteur qui chante

un peu faux
mais qui chante

et il aimerait un jour
en rentrant des courses
ranger les gens à la place de son moteur
et regarder son moteur
et écouter son moteur
pétarader sa fierté de tourner rond
sur le trottoir

Le culte de la veilleuse


L'obscurité est
bien trop grande
pour deux
si petits yeux ouverts
Il m'est plus rassurant de croire
que la peur du noir
découle
en fait
de la fascination
pour la lumière

Dernier souffle à l'édifice


La dernière pierre
que nous posons
sur nos vies
est un soupir

Parution - L'Ampoule n°1 - Septembre 2011


Le numéro 1 de la revue en ligne "L'Ampoule", concocté par les Éditions de l'Abat-jour, vient de paraître.
Vous pouvez y retrouver une de mes nouvelles, "Le vieux chien aux poils roux, la petite fille et son père".
Pour lire le sommaire et télécharger l'Ampoule (sic), c'est par ICI !

L'œuvre ratée du samedi matin


Ma gueule de bois
posée sur la table du balcon
le soleil
et son burin

Contemplations sauvages


Horizon
peintre attitré
de la solitude

Les mots plus gros que la bouche


Sa bouche est toute petite
et elle lui souffle
"toute façon toi aussi un jour tu mouriras"
Alors il lui explique
qu'on ne dit pas "mouriras"
Et ses minuscules yeux à elle
faisant la toupie
dans ses énormes yeux à lui
ont l'air de dire
"tu voiras bien"

Passage d'armes


Elle ferme les yeux
comme on rend les armes
encore chargées
chaudes et lustrées
prêtes à couler
sous d'autres paupières

Ces trucs qui brillent encore


On se demande
pourquoi
on se répond
comment
on se rassure
avec
on se réfugie
dans

Urine de soleil

© photo : Humphrey spender

Il était tôt
lorsque le soleil
m'a pissé sur le visage
et je suis retombé
aussitôt
au fond du trou

Après la guerre


L'impression d'arriver après la guerre. Les mégots terrassés dans le cendrier, la poussière ivre de soleil, des restes d'idées fumantes à piétiner. Les fins de matinée sont des petites agonies qui nous supplient de les laisser crever en paix.

Minuscule manuel de la contemplation d'une ville


Une ville
se contemple
allongé
avec ses oreilles

Encore dans la course


Des choses qui ébouriffent
petits épis de bonheurs
en bataille
sur le cœur
et l'ennui gominé
lancé
à notre poursuite