Curieuse contribution
Une contribution au joli cabinet de curiosités du curieux ami Éric Poindron (cliquez sur l'image pour entrer dans le cabinet)
En voie de disparition
Dans leurs derniers souffles seulement
les hommes redeviennent les proies traquées
de leurs premières respirations
Usines à doigts
Les mains des amoureux sont des usines à doigts. Et leurs doigts de petits ouvriers stakhanovistes bravant le froid d'hiver et les chaleurs d'été. Les mains des amoureux n'emploient que très peu de doigts, mais quels doigts ! Ils ne craignent rien d'autre que la retraite et les licenciements. Il faut dire que dans les usines à doigts on est logé, nourri, blanchi, et qu'il suffit de suivre les lignes pour faire partie de demain. Parfois les doigts peuvent prendre des vacances et visiter les cratères retirés, ou plonger dans les vagues chevelues. C'est peut-être ça le secret. Pour être heureux, tous les doigts devraient passer leur vie dans une usine à doigts.
Aboiement sidéral
Nos petites gueules muettes dans la muselière du ciel. Ici on ferme son clapet. Il faudrait aller outre. Aboyer dans le vide sidéral. Mordre à nouveau la tête haute.
À la vôtre
Tournée générale du ciel, trompettes de Jéricho à ras bord, fausses notes arrosées de soleil. Le vin de la nuit s'est évaporé dans le cœur des hommes. Il est l'heure, au creux des clairières, de goûter aux embruns buissonniers.
Autodafé
Une saison qui meurt emporte avec elle tout un tas d'hommes, de fleurs et d'animaux. Une saison s'éteint dans un autodafé de souvenirs.
Les petites barques
Ce matin est un lac paisible où flottent quelques envies de révoltes. De petites barques brumeuses qui lanceraient volontiers des jurons si la cohue tout autour n'était pas si organisée. Ce matin ne changera pas grand chose. Une fois encore les barques finiront par s'échouer sur les berges de nos espoirs.
Ne pas se perdre
Trouver le champ, la forêt, un tas de feuilles, le champignon, les autres planqués tout autour, les épées de soleil qui éventrent les arbres, trouver la fin de la journée, la fatigue sous nos pieds, le courage dans nos mains, les mirages dorés de l'automne, la route du retour. Trouver ton dernier sourire avant la nuit.
Les bagnards
Bagnards des temps modernes, menottes dans les poumons, coups de pioches dans les foies, conditionnelles dans les cheveux bouclés des filles.
Les vertes journées
Les heures étaient des goutte à goutte, l'été durait plusieurs vies, les ombres se cachaient de nous, plus rien n'importait que les éclats de rire luisant dans nos éternités.
Os à moelle
Sur ses lèvres en reflet la moelle d'un amour, l'essence d'un os aussi facile à fracturer qu'une porte trop vieille pour s'ouvrir simplement.
Ode à la nuit
Glisser dans la nuit, revêtir son linceul noir, s'en faire une amante, l'accompagner dans son insomnie chronique. L'aider à mourir en lui tenant la main dans le matin avortant. Finir par l'aimer.
Là où il y a le plus d'oiseaux
© photo : Bluechameleon
Plus d'oiseaux dans nos crânes que n'importe où ailleurs. Qui picorent les miettes de nos cervelles. Qui cherchent la sortie. Qui font de nos idées des nuées de problèmes. Des oiseaux par milliers qui lorsqu'ils tombent du nid deviennent les mots de nos bouches.
Comme les arcs-en-ciel
Elle dort comme elle mange, elle mange comme elle vit, elle vit comme elle mourra, elle mourra comme disparaissent les arcs-en-ciel.
L'ouverture de la chasse
Les lapins de Garenne
tapissent la prairie
Ici ou là une biche
déroule
ses entrailles
sur les flaques
Dans les fourrés
les hommes
de sueur et de hâte
L’horizon
une bête éventrée
milk-shake
de boyaux et de sauges
L ’ouverture de la chasse
sent le plomb
et la lavande
Les coups de feu
sont des bouquets de roses
dans le matin grisâtre
et le gibier
en pétales vole
jusqu’aux terriers
L ’ouverture de la chasse
sent la fumée
et les coquelicots
Alors le soir
guide les pas du retour
les cartouchières
vides
les cœurs bredouilles
gonflés
tapissent la prairie
Ici ou là une biche
déroule
ses entrailles
sur les flaques
Dans les fourrés
les hommes
de sueur et de hâte
L’horizon
une bête éventrée
milk-shake
de boyaux et de sauges
L ’ouverture de la chasse
sent le plomb
et la lavande
Les coups de feu
sont des bouquets de roses
dans le matin grisâtre
et le gibier
en pétales vole
jusqu’aux terriers
L ’ouverture de la chasse
sent la fumée
et les coquelicots
Alors le soir
guide les pas du retour
les cartouchières
vides
les cœurs bredouilles
gonflés
Braconniers du temps qui passe
Les chasseurs de temps tuent les minutes par années entières, arpentent jours et nuits les plaines d'heures creuses. Les braconniers de pendules ont dans leurs cartouchières de quoi massacrer des troupeaux de trotteuses. Quand viendra l'heure pour eux de rendre les armes, ils se feront pourtant piétiner par les proies qui jadis dansaient au bout de leurs fusils.
Les rêves sont des chevaux morts
Toute la journée pour abandonner ses rêves, toute la nuit pour adopter les nouvelles bêtes sauvages qui galoperont dans nos têtes, jusqu'à exposer leurs flancs sous les premiers rayons. Les rêves comme des chevaux qu'on abandonne à la mort.
Dépliant touristique
Sur votre droite la nuit, ses cascades dorées, ses barques vers l'aube, son désert de néant, sa mer de points d'exclamations en forme de points d'interrogations.
Cocktail molotov
© photo : Scherbius / Zeitgeist photography
Ce jour-là, lorsque son ombre a croisé celle de cette fille au milieu des pigeons, il a compris que chaque regard posé sur lui était un cocktail molotov dans son cœur.
Wake up !
Réveil brutal, le côté face de l'ours, le croc dans ta chair,
la balayette du matin dans ta poussière.
Clic
Il y a un bref instant entre la nuit et le lever du jour
qui nous susurre "attention le petit oiseau va sortir".
Te fais pas de bile
© Painting : Andrew Wyeth
N'aie pas peur, descends les stores de tes yeux, enferme-toi dans ton noir apprivoisé, échappe-toi dans les barques qui mènent aux rêves, traverse la nuit sans encombre. Dors sereine, je te réveillerai quand tu pourras te rendormir.
Poème médiocre
Pas besoin de carnet, d'idée, d'inspiration, de cadre idéal, de bien-être, de dépression, d'assurance, de soutient, d'amour. Pas besoin de grand chose pour écrire un poème aussi médiocre que celui-ci.
Carte postale lunaire
Ma bien aimée,
Ici il ne fait jamais mauvais temps et la nuit est au rendez-vous. Le sol ressemble terriblement à celui de notre jardin sauvage. J'aimerais tant que tu puisses admirer cette solitude avec moi. Pour l'instant j'habite dans ma combinaison, mais je vais bientôt commencer à construire une maison. Le plus dur est de choisir l'emplacement. Je me sens plus léger. Ici on se pose beaucoup moins de questions...
Je t'attends,
Ton 322XZ789H
Philosophie de comptoir
© photo : Patrick Guns
Il hésite. Jette un œil en haut, jette un œil en bas. Il ferme les yeux puis replonge dans son dilemme. Avale une grosse lampée de potion miracle. Impossible, conclue-t-il, pour un homme normal, de choisir entre plus bas que terre et plus haut que ciel.
Les nouveaux mondes
Me voilà rassuré.
Quand tout foutra le camp, parce que tout le monde dit que tout finira par foutre le camp, quand les champignons seront plus grands que les plus vieux arbres des forêts et qu'on pourra les voir sans avoir besoin de les chercher, je pourrai toujours m'enfuir dans les nouveaux mondes que je construis jour après jour au fond de tes yeux.
Matins orgiaques
La lumière déborde des nuages, tombe en cascade dans les gorges des vignes. Les vents frais de septembre emmêlent les cheveux des femmes et tressent des tapis où asseoir les yeux des hommes. Les arbres embrassent quelque espoir de gravir un peu plus l'échelle bleue du ciel. Dans les matins orgiaques.
Faire peur à l'inconnu
S'isoler pour se comprendre, embrasser ses convictions, enlacer sa solitude, s'enfermer dans un vaisseau étanche. Devenir l'extra-terrestre de son inconnu.
Jours improbables
Jours étranges, qui tournent pas rond, qui filent pas droit, jours improbables, assaisonnés à la connerie humaine. Jours où l'on peut croiser un mec en costard un dimanche, en fin d'après-midi.
L'hibernation d'une vie
© photo : Anthony Lepore
L'enfance est un long sommeil animal, de poils chauds et de rêves. L'hibernation sans défense d'une vie, dont on ne se réveille que de temps à autre, succinctement, pour bâtir dans nos existences deux ou trois cauchemars.
Deux façons de contempler le ciel
On peut contempler le ciel à travers les yeux de la proie qui attend son heure. Je préfère emprunter la vue perçante du prédateur qui planterait volontiers ses crocs dans les nuages.
Coup d'la panne
Plus un bruit. Mon cerveau file à tombeau ouvert dans la nuit. Un véhicule d'idées sur l'autoroute noire du ciel. Slalom entre les lampadaires d'étoiles. Et cette maudite inspiration qui me refait soudain le coup de la panne.
Au fusain
© photo : Belkacem Boudjellouli
La vie dessine la mort au fusain
le soleil à la gomme à mille lieues
d'une portée de main
Apprivoiser sa proie
Le changement de saison, la petite nouvelle, sa langue sur notre joue, cette tentative vaine de nous apprivoiser alors qu'elle vient de terrasser celle qui nous a porté plusieurs mois au creux de ses bras.
Recette de descendance
© photo : John G Moebes
- Je veux un môme Grace, un p'tit mecton qui me coure dans les pattes et me bave sa joie sur le pantalon
- Tu sais Gisèle, c'est pas aussi simple que ça. Il faut des couilles pour faire un môme...
Extrait du film "Recette de descendance", 2095.
Libellés :
films
J'espère que ça n'arrivera pas
© photo : National geographic
Les rues seront pour la plupart désertes. Des westerns à l'eau de rose sans les roses ni les femmes. Les vautours auront remplacé sur les fils électriques les moineaux, et piailleront avec l'écho de leurs petits estomacs vides. Les hommes construirons des ruines avec des plantes et des pierres mortes. Les mains seront noires, du pétrole avec des doigts, des avant-bras de nuit flottant sur les sentiers. Il ne faudra plus dire merci, il faudra prendre, il faudra utiliser ses enfants comme appâts pour s'endormir repu. Les bonheurs seront des éclats de tristesse, des monstres dans des cavernes. Il y aura du brouillard, beaucoup de brouillard, du brouillard à n'en plus finir qu'on pourra confondre avec le ciel. Il y aura plus d'animaux que d'hommes, des hommes devenus des animaux, des hommes allongés sur la terre et d'autres plus bas encore. Les odeurs seront endormies dans les souvenirs, remplacées au pied levé par d'étranges effluves. Les jours seront des nuits, les nuits seront des siècles, on parlera d'éternité un sourire au coin des lèvres.
Le jour ne s'est pas levé
Cette nuit était un jour qui ne se lèverait jamais, ivre de lenteur et de spasmes, laissant traîner dans les oreilles le bruit des ombres saoules sur les étoffes de bitume.
Inscription à :
Articles (Atom)