© photo : Adam Pańczuk
Je prends la porte. Je fous le camp. J'amène mon paysage et ses animaux. Les tire comme un drap serré à pleines mains. Je ne me retourne que pour m'assurer d'avoir bien laissé quelques traces, des pistes, des creux, des trous, de petites camisoles dans la terre qui l'empêchent de tomber dans l'oubli. Je marche longtemps, infatigable. Le drap pèse de plus en plus lourd. Il amasse tout sur son passage. Des milliers d'insectes qui deviennent plus lourd qu'un éléphant, des branches, des pierres. C'est ça le secret. Accumuler autant de bordel qu'il est possible d'en mettre sur un drap imaginaire. Qu'on tire derrière soi. Dont on se sert comme d'un filet, d'un panier à champignons, d'une besace, d'un vivier. Mettre dessus des arbres, des ours, des plantes, des animaux de la forêt et leurs plumards, des résidus d'apocalypse et des déchets de l'espace. Marcher en trainant tout ça derrière soi. Se rendre compte que le drap de son lit n'est pas qu'une couverture. Ne jamais se réveiller et continuer à endormir dessus ce qui nous maintient éveillés. Nos rêves.