Problème d'alcool


Puisqu'il voulait toujours plus d'ivresse, il se promit ce soir là de boire jusqu'à voir deux fois plus de barriques. Mais alors qu'il les multipliait au rythme des mouvements de son coude, il ne vit bientôt plus rien d'autre qu'un trou noir, et comprit qu'il pourrait y mettre beaucoup plus de vin rouge que dans n'importe quelle barrique.

Roulette


Testament de cow-boy découvert à côté de son cadavre : "Je n'ai jamais gagné à la roulette russe..."

Liberté provisoire


Après avoir surveillé la cheminée plusieurs dizaines d'années, il préféra user du vent qui s'engouffrait par la porte entrebâillée, pour tomber et se libérer de son cadre. Mais pensant être tiré d'affaire, maintenant libre au milieu des bris de verre, telle ne fut pas sa stupeur quand la maîtresse de maison vint à passer. Elle l'envoya de fait, rejoindre les cendres de ses ancêtres photogéniques dans les flammes au rez-de-chaussée.

Infanticide


La neige a recouvert le goudron. Les étoiles blanches ont repeint la vie ici-bas et suspendu les hommes à des tableaux figés. Comme un lac immense de crème fraiche gelée, elle a tout effacé sur son passage : Les automobiles, les maisons, les animaux, les reliefs. Même les chasse-neige se sont faits exclure de la partie. Elle peut désormais se changer en mélasse, pour venir à bout de sa dernière proie : les enfants.

Recette somnifère


Un mouton, deux moutons, trois moutons, ..., dix moutons, onze moutons, ..., cent dix moutons. Après avoir égorgé tous ces moutons, elle tomba dans un des bras de Morphée, et rêva qu'elle broyait du noir avec l'autre. Quand elle s'éveilla à l'aube, son lit était souillé de larmes, de sang, et de laine de mouton aussi noire que la suie.

Ivre mort


Depuis des années, Isilde ne savait plus à qui donner son cœur. Un soir elle reçut la visite tant attendue d'une charmante inconnue. Ensemble, elles burent abondamment et grignotèrent quelques comprimés. Isilde finit par en tomber amoureuse, et dans l'ivresse de cette nuit sans étoiles, elle embrassa la mort et lui offrit son coeur.

Verres et prose


Garance venait de rencontrer Théophile, dans un buffet champêtre. Au premier verre, ils parlèrent de la pluie et du beau temps. Le second verre vit arriver les discours existentiels. Un troisième verre leur mit le pied à l'étrier de la politique. Le quatrième verre teinta leurs yeux d'une sensualité ostentatoire. Au cinquième verre, Garance ne pu réfréner un rot musical déroutant, de ceux qui entrainent avec eux les aliments et les liquides fraichement déposés au fond de l'estomac. Alors, Théophile écarquilla les yeux et commenta : "Vous avez changé Garance, je ne vous reconnais plus", avant de tourner les talons en direction d'une autre sirène.

Road-Movie


Lui : Je veux qu'on parte sur les routes, que le vent s'engouffrant dans l'habitacle ébouriffe nos cheveux et fasse de nos bouches des croissants huilés. Je veux que nous nous perdions sur les chemins de terre et cueillions mille fleurs parfumées, que nous dormions à la belle étoile et buvions la rosée du matin dans des verres en cristal. Je veux que l'on roule vers l'inconnu et la passion, que nos souvenirs trainent derrière la voiture comme des boîtes de conserve. Je veux te faire rêver mon amour, quel qu'en soit le prix à payer.

Elle : Il faudra commencer par changer le joint de culasse.

Cherche appartement


Il était très tard quand ils arrivèrent pour visiter la demeure. Les lierres vomissaient sur les pavés de l'allée. Les lampadaires mettaient en valeur la noirceur des pierres lapidées.
Puis nous commençâmes la visite. Je ne leur mentis sur rien. Je leur parlai des nombreux meurtres perpétrés dans cette vieille bâtisse, des suicides à n'en plus finir, des cordes d'époque encore suspendues aux poutres rongées par les mites, des hurlements la nuit, qui résonnaient dans les longs couloirs glacials, des bruits étranges de craquement au grenier, condamné depuis plusieurs décennies, des pleurs d'enfants qui venaient d'outre-tombe et qui avaient déjà rebuté plusieurs visiteurs.
Mais lorsque je leur posai la question fatidique, le jeune couple échangea un regard en souriant et mit fin à mes 400 ans de séjour en ces lieux sombres : "Nous la prenons, ça correspond exactement à ce que nous cherchions!"

Tri de déchets

Elle venait d'enterrer son être aimé le matin même. A présent seule dans la cuisine, et après avoir inondé plusieurs mouchoirs, une dernière question vint s'ajouter à son tourment. Elle se demanda soudain dans quelle poubelle elle devrait jeter ces mouchoirs de papier pleins de morve.

Le dernier des arbres


Il repartirent comme ils étaient venus. Dans d'énormes soucoupes volantes en carton qui crachaient de la fumée rose. Ils les avaient tous coupés, puis chargés dans les soutes de leurs engins, à l'exception d'un seul. Planté au milieu d'un désert d'herbe grillée, le dernier arbre semblait maintenant lutter contre le vide tout autour. On ne pouvait plus l'approcher, des barrières encerclaient le champ, et les yeux inquiets faisaient la queue pour voir ce qu'il restait des milliards d'hectares de forêts. Rien. Un seul arbre. Le plus triste restait la raison pour laquelle les extra-terrestres avaient emporté tous les autres : décorer leurs toilettes. Il faut dire qu'ils étaient très nombreux là haut, ils devraient même sans doute trouver d'autres arbres ailleurs.

Dernières minutes


Plus aucun bruit. Comme avant le début d'un feu d'artifice. Le moment est venu de croire en quelque chose. Les branches des arbres aimeraient se toucher mais obéissent à l'absence du vent. Des milliards d'hommes et de femmes attendent dans les champs humides, sur les montagnes rocailleuses, dans les ruisseaux vivants qui ne servent déjà plus à rien. Des milliards de coeurs battent à l'unisson. Poum poum poum poum. Des larmes. Des sanglots de nostalgie qui copulent avec la rosée du matin. De temps à autre, un animal crie, pour sortir les oreilles du coma. C'était bien, ici. La semaine dernière on dansait encore, on buvait, on faisait l'amour, et on se foutait de ce matin frileux qui sera le dernier. Les mains moites se crispent soudain, l'heure est aux abandons.
Seul dans son bureau métallique, enfoncé dans un fauteuil de cuir fripé, il dirige son doigt vers le dénouement. Puis, après avoir cligné une dernière fois des yeux, le plus grand meurtrier qu'on n'aie jamais connu appuie enfin sur le bouton rouge.

Première rencontre


Il y avait peu de chance pour que le renard rencontre la méduse. Pourtant, à bout de force au milieu de cet étang poisseux il se laissa tomber dans les tentacules. Puis dans un dernier souffle, il reposa sa tête lasse sur le globe luminescent.