Enterrement


Elle l'a roulé en boule dans un drap troué, puis s'est engagée sur le sentier le tenant à bout de bras, le plus loin possible de ses hanches. Elle a marché plus lentement qu'elle ne l'avait jamais fait. Certains arbres semblaient se moquer d'elle, d'autres lui facilitaient le passage et l'aidaient presque à tenir le coup. Elle n'avait jamais pris conscience qu'il était aussi lourd. Un peu de poils dans un drap troué n'aurait d'ailleurs jamais du être aussi pesant pour ses épaules. Ils ont marché tous les deux, la mort se servant de la vie comme d'une béquille. Parfois elle s'arrêtait, soufflait, crachait sur des champignons mal placés ou sur des mûres pas encore sauvages. Quand elle a été satisfaite de l'endroit, elle a posé le drap dans un coin de la vie, puis s'est mise à creuser la terre de ses ongles cassants. Elle s'acharnait, se battant régulièrement avec de gros cailloux prisonniers des sous-sols terrestres. Le petit trou est devenu une crevasse, puis un tombeau profond. Elle a repris le drap, chialé un coup, puis l'a jeté dans sa dernière demeure. Dans sa chute, le drap a laissé entrevoir une patte de son chat. Elle n'a pas jugé nécessaire de la recouvrir. C'était finalement pas mal d'avoir un pied en dehors de tout ça. Elle a remis la terre jusqu'à faire disparaître le trou. Avant de repartir vaquer à ses occupations, elle a craché sur la terre fraîche qui allait, dès qu'elle aurait le dos tourné, se jeter sur lui et le dévorer jusqu'à l'os.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

à la voir comme çà avec ses bras tendus apporter à la terre son plat de résistance ... on se dit qu'on marche donc tous dans la combine!

La Méduse et le Renard a dit…

Oui, inévitablement...

Aurélia Jarry a dit…

"la mort se servant de la vie comme d'une béquille"... Et, voui...!!! J'en étais sûre, je savais que c'était un chat. C'est toujours un chat. C'est toujours un chat qui meurt. C'est toujours un chat qui tient lieu de la vie. Avant d'aller sous terre. Heureusement, vous avez laissé cette pate à l'air, ouf !

La Méduse et le Renard a dit…

Oui, quelle aubaine cette patte!

Aurélia Jarry a dit…

Tu as raison, faute te patte, je perds mon latin, heureusement tu es là !