J'y suis retourné. J'y étais déjà revenu mais ça faisait une paye. Certains endroits de l'enfance deviennent aussi sacrés pour moi que pour d'autres les églises. Cet endroit en particulier me ferait presque comprendre la folie qui pousse les gens à aller prier. J'y suis donc retourné et je voulais te dire que tout est encore en l'état. Le sol couvert d'aiguilles, et les petits buissons touffus sur lesquels on couchait les serviettes. Les pommes de pins tombent toujours, à intervalles quasi millimétrés. Le silence apaisant de l'endroit les aide à être régulières. J'ai revu des bières décapsulées, des rires sincères dont j'ai toute une collection dans mes souvenirs, des boules de pétanque, des râteaux, des billes, des cafards de fin de journée à trainer les pieds sales dans le sable poreux. J'ai pensé à ces vieux films super 8 qui ont bouffé tout ça et qui aujourd'hui digèrent lentement dans un placard. Décidément il ne manquait que toi. Je suis resté longtemps. Je n'étais pas seul mais c'était comme s'il n'y avait que toi et moi. J'ai été heureux et triste. C'est aussi simple que ça. Heureux en arrivant, et triste en partant. Parce que quand je suis parti j'ai cru voir les hauts pins rire aux éclats, et se vanter de, 20 ans après, pouvoir encore étirer leurs racines. Alors avant de les laisser se tordre les branches de rire, je me suis retourné une dernière fois. Et j'ai trouvé dégueulasse que des pins amorphes puissent survivre à des hommes comme toi.