Comme une ibeue
à qui on aurait
arraché les "L"
Le matin est
à tout le monde
L'espoir est
à tout le monde
L'ennui est
à tout le monde
Le silence est
à tout le monde
L'ivresse est
à tout le monde
La dernière des lumières
dans la nuit est
à tout le monde
Mais le premier qui touche à
ce souvenir
est mort
La nuit cette
petite brume
cheveux emmêlés
vernis écaillé
qui fait bouche ronde
faute de crier
en dévalant
un toboggan
Dimanche on ne sait
jamais trop si c'est
un lundi avec
quelque chose en plus ou
un samedi avec
quelque chose en moins
alors que c'est peut-être
tout simplement
un mercredi déguisé en
fin de grandes vacances
Il faudrait
un télescope
Il faudrait
un soir sans nuages
des étoiles
et quelques planètes
convenablement alignées
Il faudrait
(mais seulement si
tout ça se vérifiait)
que la nuit dure
toujours
Il est très tard et
la rue est vide et
rien ne s'y passe et
rien ne vient ni
ne traverse
On dirait que tout a
foutu le camp et que
rien n'arrivera jamais plus
dans cette rue
et puis soudain
un lampadaire s'éprend
d'une bouche d'égout
On les voit
souvent aller
bras dessus bras dessous
ces deux-là
On les voit
se balader toutes pleines
de confidences
Inséparables
Parce que personne
connait la mort
depuis aussi longtemps
que la vie
Nous n’avons pas décroché un mot. Et je me suis retrouvé avec cette petite bête à pinces qui se dandinait près d’une casserole en pleine ébullition.
J’ai regardé le homard. Il m’a regardé. Nous en étions au point ou chacun demande à l’autre « Si tu as quoi que ce soit à me dire, c’est le moment, parce que dans cinq minutes il sera trop tard ». Je pense que c’est ce que nous avons imaginé tous les deux. Une quasi certitude, que le homard s’est posé cette question et moi aussi.
J’ai éteint le feu et j’ai remis le homard dans le sac. Je suis descendu vers le lac. Je sais bien que les homards ne doivent pas survivre longtemps dans l’eau douce. Pourtant, si on demandait à un homard s’il préfère l’eau douce à l’eau bouillante…
Douce, toute douce, l’eau de ce lac était si douce, parfaitement douce. Ce mot suffit à penser que n’importe quel homard aurait été ravi.
Je l’ai sorti du sac et déposé sur le bord. Il m’a semblé qu’il essayait de dire «Que cette eau a l’air douce, très douce, parfaitement douce ». Je ne voudrais pas parler à sa place mais vraiment j’avais entre les mains une sorte de homard comblé. C’est marrant, ces deux mots ne vont pas vraiment ensemble. Enfin je veux dire, est-ce qu’un homard peut être comblé, heureux, l'acteur principal d'un état de grâce ? Je ne sais pas.
Je me suis contenté de le déposer dans cette eau très douce et il a filé, comme comblé, riche de quelque chose, loin de tout besoin, ayant une ou deux vies d’avance sur moi.
Il y a
les endroits où
on aimerait être
et ceux où
on n'a pas envie d'aller
et ceux d'où
on ne pensait
pas revenir
Et puis il y a
l'horizon des petits matins gris
qui indique
Vous êtes ici
Dépeindre n'est pas
l'inverse de peindre
se dit le dépeintre
du rouge dans les idées
alors qu'il venait
d'achever
l'hiver en quelques mots