Toutes voiles dehors


Le souffle
de ta respiration
dans le cou
mon rêve est
un voilier
au milieu
de la nuit

Collectionner les débris


Le silence gonfle
la nuit explose
ton petit cœur ramasse
les débris

Engagez-vous


Sa bagnole balafre la brume. Il évolue lentement. Dans le brouillard méthodiquement enfonce des clous avec ses yeux. Le paysage est un coussin d'argent que les voitures transpercent. Il y croise phares, silhouettes et formes. Mélange avec prudence la crème fouettée du ciel. C'est comme s'il devait se rendre au taf en traversant une guerre. Comme si les arbres agonisaient sur le côté et qu'il lui était impossible de s'arrêter. D'ordinaire il est plutôt du côté des déserteurs, mais ce matin sur la route du turbin la bataille est plaisante, et chaque mètre carré de velours blanc est un panneau "Engagez-vous".

Bientôt...


Le 13 octobre prochain sortira  
"Les Chaussettes de l'âme" aux Éditions H'artpon : 
Textes : Guillaume Siaudeau / Illustrations : Magali Planès
3 livrets de 12 pages positionnés dans une pochette 
et entourés d’une affiche dépliante.
54 poèmes - 15 illustrations originales
Format : 28 x 11 cm
600 ex. numérotés
Prix public : 22 €

À cette occasion une soirée de lancement est organisée
au Club des Poètes à Paris


Ceux qui le souhaitent peuvent déjà précommander le livre 
sur le site des éditions H'artpon : ICI

Tête en bas


sur les mains
un poème marcher
t'as jamais vu
on va croire que
Fais pas cette tête

What the fuck


Nous sommes
des moitiés d'insultes
des gros mots
parés de bijoux
de minuscules vulgarités
rutilantes
des poules mouillées
aux œufs d'or

La nuit pour carburant

© photo : Matt Weber

Ce rêve était un taxi
qui roulait vite
comme un fou
il n'y avait pas de conducteur
et son réservoir était
rempli jusqu'à la gueule
de l'obscurité épaisse
des premières nuits d'automne

Avant de prendre la route


Il est tôt
l'heure où
l'aube règle ses suspensions
l'heure où le ciel
pète un boulon
où les premiers rayons repeignent
la carrosserie des montagnes
C'est le moment
pour l'horizon
de relâcher la pression
de faire ses niveaux
Le ciel change ses
nuages crevés
les oiseaux pointent
à la bourre
nettoient un peu
tout ce grand foutoir bleu
parsemé de carcasses d'arbres
vidangent la brume
Il est très tôt
mais je suis au rendez-vous
et ce matin
le jour  sans rechigner
me prête les clés
de sa tire

Poème-mouchoir


Pas de mouchoir
à l'horizon
et ne sachant plus
quoi faire de toi
je te colle
dans ce poème
petite crotte de nez

Comme des rats


Trop fragiles
et
trop maladroits
pour ce monde-là
Des rats d'opéra
dans un laboratoire

Points de contact


Les courants d'air insignifiants
formés par les oiseaux
quand ils s'envolent
Les semelles que
les vieillards fatigués
frottent sur les chemins
Toutes ces tiges
sur lesquelles on tire
pour cueillir
Tous ces soupirs
Tous ces murs contre lesquels
on doit s'appuyer
Tous ces mouvements
millimétrés
qui font tourner 
le monde

Course poursuite


Mets-toi bien ça 
dans le crâne
Si le temps est
un bolide
qui sème
tes souvenirs
chacun de
tes rêves
est une herse 
dépliée
sur sa route

Au saut du lit


Un de ces matin où
il est possible de
sauter dans le premier train
descendre des rapides
ou encore flotter pépère
entre deux nuages
rien qu'en ouvrant
ses volets

Cure-dent


La petite lumière
du matin
bien pointue
effilée
précise
Un cure-dent
entre ce qu'il reste
de chicots
à la nuit

FPDV - Ce qu'il reste de lumière


Une histoire de frigo à lire aujourd'hui chez FPDV.

Reconstruction


Il n'avait pas besoin
de grand chose
c'était un bon bricoleur
capable de colmater
sa détresse
avec un seul sourire

Une belle mort


Trop tard
Le mal est fait
Mon index s'éternisant
au fond de
ma narine
n'est pas arrivé
à temps
pour sauver
ce moucheron
d'un Pomerol médaillé

Le modèle


Les heures s'effritent
autour de lui
la nuit est un burin
les espoirs tombent
en miettes
Au fond
tout ça ne serait
pas si grave
s'il n'était
le modèle

De leur union


Ce serait une journée
comme les autres
banale de nuages
de soupirs
et de paresse
à un détail près
Le premier rayon de soleil
rencontrerait
l'unique œil
d'un chat blessé
ils s'aimeraient fort
et enfanteraient
toute la lumière du monde

Liste de courses


C'est une semaine
en forme de liste de courses
une semaine raturée
de pattes de mouches
indéchiffrables
une semaine qui
finira par se perdre ou
s'oublier au fond d'une poche
C'est donc une grosse semaine
qui a la forme d'une
longue liste de courses
et je me rends compte soudain
que j'ai oublié le jeton
pour le caddy

Ces bus qui n'arrivent pas

© photo : Arthur Rothstein

Parfois on attend le bus
une demi-heure
puis on commence à
taper du pied
et à connaître le ciel par cœur
Il ne vient toujours pas alors
on laisse tomber
on part à pied
en grognant un peu
et en se disant que
ça ne pourra pas faire de mal
de se changer un peu 
les idées
Parfois il se passe
un peu la même chose avec
le sommeil
l'envie
ou bien l'amour

Ce qu'il reste


Sur le balcon
un livre
un verre
et un soleil pâlot 
qui tente d'hypnotiser 
les glaçons
pendant que l'ombre
d'un lampadaire
sur sa cuisse
s'attaque à ce qu'il reste
de l'été

À la fraîche

© photo : Risk Takers

Aube fumante
ville-cendrier
hommes-rognures-d'ongles

Des regrets plus gros que le ventre


Il paraît que
chaque regret
est une petite histoire
dévorée par une autre
et de ces deux-là
je me demande encore
laquelle aura
le plus d'appétit

Une histoire de dinosaure


Tu te lèves. Ma carcasse grince un peu au fond du lit. Il faudrait plusieurs hommes avec des cordes pour me tirer de là. Ou bien simplement quelques paroles qui sonneraient juste. Il arrive que la force m'abandonne. Qu'elle me laisse pour mort au fond des draps, quelques rêves transpercés me dégoulinant des yeux. Il m'arrive de me vider de mes rêves jusqu'à la dernière goutte. Parfois le vent ou la pluie parviennent à me tirer de mon trou. Ils frappent un peu contre les volets pour m'inviter à prendre un verre à la fenêtre, puis finalement me jettent sur le canapé. Ce matin encore tu te lèves, et je ressemble à un dinosaure que la nuit a changé en fossile. Puis je t'entends sortir et tes pas dans la cage d'escalier sont ceux d'un archéologue qui part fouiller le monde. Je me rassure. Je me dis que si tu rentres bredouille à midi, il y aura toujours cette carcasse de dinosaure fossilisée qui t'attend sur le canapé du salon.

Même si ça colle un peu

© photo : Herbert List

Mettre un pied
devant l'autre
boiter un peu
hésiter à l'angle
du boulevard
traîner la patte
faire une pause puis
repartir
frotter ses semelles
Avancer dans 
les rues grises
le passé 
tel un chewing-gum
sous la chaussure

Contre son flanc


Un de ces soirs où
poser la tête
pleine de brouillard
sur l'oreiller
revient à s'endormir
contre le flanc
d'un vieux chien baveux
qui ne passera pas
la nuit

Les petites attentions


Elle a attendu
toute la nuit
et au petit matin
il n'était toujours
pas rentré alors
elle lui a laissé
près du bol
sur la table de la cuisine
cette petite attention
pleine de confiture
et portée à bout de bras
par quelques miettes de pain :
"T'es vraiment qu'un
pauvre connard
de merde"