Comment je récolte ton absence


Chaque matin
la lumière
vient manger
dans ma main
les graines que
ton absence
à semées

Os de poulet


Un vague souvenir
des ingrédients
à réunir
pour réaliser ce rituel
Ici pas de bave de crapaud
ni d'os de poulet 
en forme de lance-pierre
Il se souvient seulement
d'un ciel bleu
d'un sourire doré
et d'une larme de joie
jouant au toboggan
sur son col

Le message du chat


Ce chat de gouttière
assis sur le parapet
qui regarde les passants
de travers
avec sa balafre
entre les deux oreilles
et qui
lorsque j'arrive à sa hauteur
me dit avec ses yeux
"Ne regarde plus jamais
les jours dégénérés
comme des nuits perdues"

Du charbon et des rêves


Les lundis se suivent
et ne me
ressemblent pas

Mathématiques pour cerveaux embrumés


Les lendemains
difficiles
sont des veilles
réussies

La difficulté à cueillir certaines mains


Plein de mecs
lui tournaient autour
mais plein de mecs
échouaient
parce que
prendre sa main
c'était cueillir un fruit
le plus beau fruit
en haut de l'arbre
sans échelle

Perdre pied


Toucher
le fond
de tes yeux

Petites bougies


À nos petites vies
soufflées
entre deux néants

Les roues d'une trottinette


Elle pleure
un oisillon mort
à ses pieds
Elle vient de rouler dessus
avec sa trottinette
Elle est petite et blonde
sous un énorme bonnet
Le ciel est grand et gris
et il y a de petites taches rouges
sur les roues de son engin
En fait l'oisillon était déjà mort
mais elle ne le sait pas
elle croit vraiment que
c'est sa trottinette
qui a foutu la merde
Elle est inconsolable
à croire que tuer des choses
déjà mortes
n'excuse pas tout
Elle pleure longtemps et repart
les feuilles se déchirent
sous ses roues
elle ne roule pas moins vite
Les larmes séchées sur ses joues
disent qu'on peut vivre
autant de fois
qu'on meurt

[Poème précédemment paru dans la revue Microbe]

Publication / Poissons rouges / mai 2011 / -36° édition




[...] "Elle revoit leurs pieds nus
écraser l'herbe fraîche
et sentir les hannetons
vibrer sous leurs orteils
Déjà ses yeux
amassent presqu'autant d'eau
que la rivière de la colline" [...]

Un poème, Poissons rouges, publié chez -36°édition 
dans la collection 8PA6 (8 pages au format A6), 
avec de chouettes illustrations de Magali Planès.

Pour le commander, il suffit
d'envoyer un chèque de 5 euros 
(3 euros le 8PA6 + 2euros de frais de port)
à l'ordre de -36° édition à : 

-36° édition
88, quartier du milieu
2127 les bayards (suisse)
Vous pouvez soit imprimer  le bon de commande ICI
ou ajouter un p'tit mot au chèque pour bien préciser 
que c'est pour Poissons rouges !

Roulette russe


C'était pas
le mauvais gars
non
il était même
plutôt gentil
et pas mal de filles
auraient très bien pu
lui courir après
mais ce type
avait une tête
à avoir perdu
plusieurs fois
à la roulette russe

Du feu avec ses larmes


Cette journée-là
le soleil était
corpulent
et tellement brûlant
qu'il fallait choisir entre
la sueur et les larmes
Et cette fille avait choisi
de pleurer
des larmes si grosses
qu'à un moment
j'ai eu peur
qu'elles fassent loupe
et que ses joues
prennent feu

Slurp !


Dans la bouche
rugueuse
du sentier
le vent est
un milliard de langues
qui lèchent
nos épaules

Positions stratégiques


S'asseoir
au milieu
de nulle part
c'est être
debout

Enfoiré de poème


C'est ce petit poème-là
ce petit poème
sans envergure
et inutile
pas plus gros
qu'une souris
affamée
c'est ce petit poème-là
qui m'a mis en retard
ce matin

Cache-cache-colin-maillard

© photo : Joshua Hoffine

Pour chacun de nous
il y a une solitude
cachée tout au fond de la nuit
qu'on ne cherche pas vraiment
mais qui attend toujours
impatiemment
qu'on la trouve

Des jambes et des langues


Dans ce long boulevard désert
il n'y avait
rien pour s'asseoir
et un peu trop d'ennui
alors
ils se sont embrassés

Combattre à froid


Elle est venue l'attaquer tôt ce matin, alors qu'il avait encore les deux pieds dans le lit. A peine levé elle lui a planté deux coups violents au visage, l'a filé dans le couloir reliant sa chambre au séjour, lui assenant encore quelques coups épars sur le corps. Il s'est alors protégé d'un bras le visage, cherchant de l'autre main à tâtons la fenêtre. C'est à ce moment précis, en tirant les stores du séjour, qu'il est parvenu à l'achever. La lumière.

Tant qu'ils jouent aux étoiles


Rien à signaler
de mon côté
ce matin
le soleil s'est levé
une fois de plus
dans la rivière en bas
des poissons morts
font les étoiles
avec leur ventre
c'est déjà ça
cette suffisance d'étincelles pâles
et j'espère bien
que ça va continuer
comme ça
encore plusieurs siècles

Une sorte de Lebowski


Elle rentrait
d'une longue soirée
le soleil l'avait racompagnée
jusque chez elle
et sur la porte d'entrée
gisait ce petit mot épinglé
en forme de nouveau défi
"Je pourrais
passer te chercher
tout à l'heure
pour prendre un verre
si tu n'as rien de prévu
et surtout si tu en as envie
si c'est ok pour toi
laisse-moi juste
le temps d'une machine à laver
à moins que
tu n'aies rien contre
boire un verre avec
un type en jogging troué"

Le vendeur de glaces


Il travaille
en haut de la colline
il vend des glaces
aux touristes
surtout aux enfants des touristes
d'ailleurs
ce sont des glaces
médiocres
qui fondent en un éclair

Et elle
elle reste en bas
avec un de ces vertiges
qui l'empêche de gravir la colline
pour aller acheter une glace
Elle l'aime déjà
un peu
alors elle attend en bas
que les enfants s'en reviennent
avec leurs cornets mous
et de la glace plein les pompes

Elle préfère le voir en bas
le soir
après sa journée de boulot
quand tout le monde est parti
quand la fin du sentier est
une marre de glace et de terre
Il la comprend
bien sûr
même s'il aimerait
qu'elle vienne le voir
vendre ses glaces
mais c'est ainsi
elle n'a jamais aimé
ni les glaces
ni les enfants

Nouveaux horizons


Aussi sûr
que ce matin lumineux
est une prison
dont ses yeux
ont la clé
la fille d'hier soir
était une maison close
avec les fenêtres
ouvertes

Astuce orageuse


Une astuce orageuse à lire sur le site de Vents Contraires !

L'instant hypnotique


Il y a
effectivement
plus important
plus déterminant
plus fondamental
que cet insecte
flottant dans l'espace
balayé par le vent
entre sa cuisse
et sa jupe
mais il n'y a rien de plus 
captivant

Dans le rétroviseur


Elle roule
vitres ouvertes
bouche ouverte
il y a une chanson
à la radio
qui parle de poussière
sur les meubles
La route est droite
vide
et les fossés illuminés
d'herbes grillées
Dans sa main
une bière perd ses bulles
et une cigarette s'immole
Elle pourrait rouler ainsi
des siècles
à tombeau ouvert
avec l'enfer
dans son rétroviseur

Réconfort de paille


Les épaules
sont des nids
pour les drôles d'oiseaux

Participation au Grand Bazart


"Senteur sapin", une nouvelle chronique nécrologique à lire sur Le Grand Bazart. Cette chronique vient tout droit de mon blog Nécrologie et confiture, et vous pourrez la retrouver régulièrement sur Le Grand Bazart.

Des Charognes laissées-pour-compte


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Pas d'âge pour ces choses-là

© photo : Hamed Masoumi

Il est trop vieux
pour jouer aux cow-boys
et aux indiens
trop vieux
pour canarder les pigeons
du parc
trop vieux
pour se contenter
du sourire des filles
mais chaque fois
que la nuit glacée
repointe le bout de son nez
il se dit
qu'il n'y a pas d'âge
pour faire dans son froc

Le strip-tease de la nuit

© photo : Ralph Crane

La nuit
se déshabille
et nous jette
sur le visage
son aube trouée

Seuls les lions résistent au vent


Il fait presque chaud. Pas assez pour un tee-shirt mais trop pour un manteau. Le vent frais qui souffle depuis plusieurs jours a déjà ébouriffé plusieurs hectares de cheveux et fait cligner une bonne tripotée de paupières. Il est assis seul dans le vent et ne regarde rien. Parce que ne rien regarder c'est tout voir. Depuis le jardin il voit la maison vide. Il voit son absence déguisée en mauvaises herbes. Il ne veut pas y croire. Parce que ne pas y croire c'est être sûr de ce qu'on avance. Pourtant il sait bien qu'elle a claqué la porte et qu'elle est partie avec une valise dans chaque main. Mais il préfère mettre ça sur le compte du vent. Alors il reste assis là, persuadé que le vent est coupable, persuadé que le vent est assez fort pour emporter une fille aussi légère qu'elle.

Changements de saisons


Tu me fais penser
à ces animaux
que les changements de saisons
déboussolent
qui courent à gauche à droite
cherchent une nouvelle rivière
un nouveau terrier dans lequel
se reposer
ou faire l'amour
mais qui repartent toujours
sous la pluie
comme si de rien n'était

Rubik's Cube


Un jour je me retrouverai seul
de l'un ou l'autre côté du sol
je veux dire soit au-dessus
soit en-dessous
et il ne me restera plus
que quelques images de toi
dans la tête
à assembler comme
les petits carrés d'un Rubik's Cube
Pourtant tu sais comme moi
que dans les meilleurs jours
jamais je n'ai réussi à finir
plus de deux faces consécutives

Au choix


L'amour est
une cuvette de chiotte
à viser
ou de la pisse
tout autour
à nettoyer

Apprendre à flotter

© photo : Jesus Pastor

Il aime cette fille
qui habite
de l'autre côté du pont
il aime cette fille et
meurt d'envie
de lui déclarer sa flamme
mais le pont est cassé
et il n'a jamais su
nager

Les yeux sauvages


Les animaux
ne savent-ils donc
pas pleurer
ou bien sont-ce les larmes
qui ont peur d'inonder
leurs yeux sauvages

Flemmardise de force majeure


Il pleut dehors
je n'ai pas de parapluie
je retourne m'abriter
dans mon lit

Ma rencontre avec la géante méduse poilue


Très peu de chance
que je rencontre
un jour
une géante méduse poilue
alors
la seule solution
pour que ça m'arrive
était de la rencontrer
dans un poème

Remise en question et miracle


La robe à volants
suivant ses cuisses
dans la rue perpendiculaire
et son parfum remontant
la piste de mon nez
un vrai miracle
je vous assure
pourtant 
Dieu sait que
je ne crois pas en lui

Persistance du goût


Les baisers d'adieu
laissent un goût
dans les yeux

Animal de compagnie

© photo : Laura Makabresku

Ça n'arrive pas souvent
mais c'est arrivé ce matin
le ciel était bizarre
pas bleu
pas gris
un ciel étrange et familier
Il arrive
certains matins
que le ciel prenne
la même couleur
que le jour où
on a perdu
son premier
animal de compagnie

Les 2 lécheuses


Les deux filles
assises sur les marches
lèchent leurs glaces
avec tellement d'envie
que bientôt
c'est le monde entier
qu'elles lèchent
à pleine langue
alors que le soleil
s'apprête à fondre
sur leurs pieds

Les traversées solitaires


Je ne sais pas vraiment
ce qui cloche aujourd'hui
les minutes
sont des villes désertes
que je traverse
sur un cheval à trois pattes
Pourtant
même si tu es loin
le ciel reste clair
mais peut être que
tout simplement
dans les grands moments
de solitude
on ne parvient pas
à se contenter
du soleil

Idem pour les cochons et le vin rouge


Dommage que
les oiseaux ne savent pas lire
je suis sûr qu'ils aimeraient
la poésie
mais bon
ils ne savent pas lire
et ça devrait durer
encore assez longtemps

Coton-tige


Ils sont tellement amoureux
à s'en foutre de tout
qu'ils vivent dans
un endroit sale
très sale
où les murs ont des oreilles
qui ont du perdre
leur boîte de cotons-tiges

Pont de lèvres


Un jour
il faudra pourtant bien
qu'il reconstruise
le pont cassé
qui autrefois
reliait leurs lèvres
pour aller
de peu de mots
à peu de mots

La meilleure cachette


La nuit efface sa peau
mêle ses cheveux
l'expose aux monstres
dans une hémorragie de sueur
Les prédateurs rampent
sur les murs
et dans la nostalgie
d'années intouchables
alors pour se camoufler
elle ferme les yeux

Entre là-bas et là-bas

© photo : Alexander Semenov

Interminable
est le chemin
qui mène
de nos questions
d'enfants
à nos réponses
de vieillards