Entre deux soleils

© photo : Wildphoto

Attendre ton sourire comme
on attend la neige
entre deux soleils vengeurs
et pleins de haine

Vieille traînée


Ce matin
je me suis prosterné
devant l'inspiration
qui m'a dit
"démerde-toi avec ça"
avant de se barrer
en courant

Hypothèse scientifique


Ce sont les oiseaux qui
emportent les fins de saisons
et les donnent à bouffer
à leurs oisillons

Sonorités vitales

© photo : Julien Blaine

Nos vies font
plic
ploc
plouf

L'or


Certains souvenirs la font pleurer de l'or
du moins je pense que c'est de l'or
quand ça coule sur ses lèvres
il y brille un sourire

Combattre sous les étoiles


Quand la nuit prend tous les draps
qu'elle nous laisse sur le carreau
avec pour seule arme
notre fatigue

Dreamcatcher

© photo : Adam Pańczuk

Je prends la porte. Je fous le camp. J'amène mon paysage et ses animaux. Les tire comme un drap serré à pleines mains. Je ne me retourne que pour m'assurer d'avoir bien laissé quelques traces, des pistes, des creux, des trous, de petites camisoles dans la terre qui l'empêchent de tomber dans l'oubli. Je marche longtemps, infatigable. Le drap pèse de plus en plus lourd. Il amasse tout sur son passage. Des milliers d'insectes qui deviennent plus lourd qu'un éléphant, des branches, des pierres. C'est ça le secret. Accumuler autant de bordel qu'il est possible d'en mettre sur un drap imaginaire. Qu'on tire derrière soi. Dont on se sert comme d'un filet, d'un panier à champignons, d'une besace, d'un vivier. Mettre dessus des arbres, des ours, des plantes, des animaux de la forêt et leurs plumards, des résidus d'apocalypse et des déchets de l'espace. Marcher en trainant tout ça derrière soi. Se rendre compte que le drap de son lit n'est pas qu'une couverture. Ne jamais se réveiller et continuer à endormir dessus ce qui nous maintient éveillés. Nos rêves.

Le culte du barbecue


Parfois la nuit, quand il sort vider une bière sous le porche, il se dit en regardant là-haut que s'il avait, ne serait-ce que la moitié d'une étoile, il pourrait faire de sacrés barbecues.

L'homme-oiseau


L'homme
aussi volant soit-il
aura toujours l'air plus con
qu'un oiseau

Parution - Rue Saint Ambroise - novembre 2010


Aujourd'hui sort le nouveau numéro de la revue Rue Saint Ambroise, avec à l'intérieur une de mes nouvelles : "Lapin de Garenne". Au sommaire :

Marcia Bechara // Jean-Louis Parrot // Geneviève Alméras // Dominique Pascaud // François-Claude Félix // Guillaume Siaudeau // Ludovic Maubreuil // Denis Sigur // Jan Thirion //Sylvain Josserand // Jean-François Dalle // Danielle Lambert // Bernardo Toro.

 Pour s'abonner, c'est ICI. Vous pouvez aussi trouver la revue dans TOUTES CES LIBRAIRIES.
Ce soir le lancement de ce nouveau numéro se fait à la Maroquinerie (23 rue Boyer, Paris 20), avec notamment des lectures d'extraits de toutes ces nouvelles.

Toujours devenir une défaite


Dans la victoire
ouvrir les bras
pour enlacer le monde
échouer encore
une fois

6 milliards de chewing-gums


Les chewing-gums que la vie
mâche et remâche
crache et avale
ou laisse intacts
dans l'emballage

Appel entendu


Ce matin, s'il n'y avait eu ce chien 
hurlant sa solitude dans la gueule du jour...

Scathophaga stercoraria


Il nous faut sans cesse reprendre les mêmes chemins, enjamber les mêmes barrières, sauter par dessus les mêmes flaques. Retenter notre chance, retourner au charbon, se frotter à la matière, planter nos repères. Indéfiniment s'assurer que les piquets sont encore là, dans notre champs de vision comme dans nos souvenirs. Sans doute pour les mêmes raisons qui poussent la mouche à merde à se cogner cent fois contre la même vitre.

Températures négatives


Quand elle ne pleure pas
il prend ses yeux pour des étangs gelés
et se sent alors aussi léger 
qu'un patineur sur la banquise

La nuit est une louve


Nuit noire
louve aux pattes d'argent
qui rapplique dès qu'on hurle
pour mettre bas
ses louveteaux d'étoiles
dans nos mirettes

Par le hublot


Quand dehors tremble
ciel et mer s'accouplent
pour enfanter
un horizon

Parution - Borborygmes n°18 - novembre 2010


Vous pouvez retrouver 2 de mes poèmes 
dans le Borborygmes numéro 18.
Pour le commander ou s'abonner ça se passe ICI.
Au sommaire de ce numéro :

Arthur Bidegain. 2 poèmes
Guy Bordes. Conte de Noël
Robin Czarniak. 4 poèmes
Stéphane Dauvillé. 3 poèmes
Laurent Échégut. Lustiger
Mathieu Germe. 2 textes
Xavier Lapeyroux. Liv
Alban Orsini. Migraine_Céphalée
Thierry Roquet. 2 poèmes
Guillaume Siaudeau. 2 poèmes
IMAGES :
La trocambulante – Photographies

Horizons de rêves


J'aime croire que parfois
dans les rêves des filles
nous sommes des horizons

Prendre ses aises


L'hiver prend ses aises, pose sa tête sur les pieds de l'automne et ses pieds sur la tête du printemps, s'étire jusqu'à ce qu'automne et printemps, compressés tout contre l'été, finissent par ne durer qu'un mois.

Rue Saint Ambroise


Vendredi prochain sortira le numéro 26 de la revue Rue Saint Ambroise, avec à l'intérieur plein de bonnes nouvelles, dont ma contribution, "Lapin de Garenne".
À l'occasion de la sortie de ce 26ème numéro, Rue Saint Ambroise vous invite pour une lecture de textes. Je cite :

"Nous vous invitons à la soirée de lancement du n°26 qui aura lieu le vendredi 26 novembre de 18h à 20h à La Maroquinerie. Nous lirons des extraits des nouvelles publiées dans le numéro 26. Si vous le souhaitez, nous pourrons nous retrouver autour d’un verre après la lecture. Voilà, nous espérons vous y voir.
Lectures d'extraits du numéro : Marcia Bechara // Jean-Louis Parrot // Geneviève Alméras // Dominique Pascaud // François-Claude Félix // Guillaume Siaudeau // Ludovic Maubreuil // Denis Sigur // Jan Thirion //Sylvain Josserand // Jean-François Dalle // Danielle Lambert // Bernardo Toro"

Chute de cheveux


Les cheveux tombent
les cheveux meurent
sur les langues
dans la soupe

Peace


Il y a plus de cœurs que d'histoires d'amour et d'infarctus
et ça devrait continuer comme ça encore longtemps
alors mangez gras buvez fort faites l'amour

Extase


Langue sur chair
peau sur œil
ciel sur corps

Perdre la partie


Un animal, la partie, la boule, un ami, la face, la mémoire, la foi, son chemin, la raison, le nord. Tant de choses que l'on peut perdre et autant qui nous poussent à gagner.

Se tirer un ballon


Il lui a dit qu'il avait un truc génial à lui montrer. Un truc extraordinaire qui leur passait bien au dessus de la tête. Elle l'a suivi. Ils ont marché une bonne heure avec de l'herbe jusqu'aux genoux, sans parler autrement que pour demander "ça va, tu veux pas qu'on fasse une pause ?" Elle ponctuait ses questions de petits "non" et de sourires fanés. Ils sont enfin arrivés sur la bute et il a tendu son doigt vers le ciel en lui disant "regarde, là-haut, au niveau du plus grand châtaignier, entre les deux nuages, tu vois ?" Elle lui a simplement répondu "oui, c'est bleu..." Alors il a fait briller ses dents, et les yeux toujours plantés dans le carré bleu encerclé de nuages lui a murmuré "Eh bien c'est là, à cet endroit précis, que les montgolfières viennent se foutre en l'air".

Rendez-vous !


J'serai là demain, sur le stand des éditions Asphodèle
avec des Chats borgnes et des Charognes.

Voyage en solitude


La solitude
ses contours
ses mouvements circulaires
ses périphéries désertes
ses balades digestives
sa fleur au coin des lèvres

La nostalgie inévitable de l'effondrement

© photo : David Wojnarowicz

L'enfance est faite de petites chutes. Au moins une fois par jour il faut apprendre à tomber. Une histoire d'équilibre. On goûte le bitume, la terre, les fleurs, les orties, les choses sur lesquelles on finira par se reposer. Le temps passe et les cascades se font plus rares. Des chutes moins physiques, plus mentales, et d'autres qui nous éraflent encore un peu. On perd ce rapport aux choses, aux bleus, aux plaies, aux cicatrices vivantes. On souffre d'une autre manière. Il faut apprivoiser le vide. On tombe de haut avec nos émotions. Et puis parfois on se refait un petit saut, sans le vouloir. C'est ce qu'on pourrait appeler la nostalgie inévitable de l'effondrement. Parce que ce sont les quelques marches qu'on arrive encore à louper qui jusqu'au bout nous prouvent qu'on est vivant.

Do not cross


La pluie qui sèche dessine des cadavres sur le bitume
les vers de terre inspectent le lieu du crime
les arbres autour pleurent tout leur soûl
je passe dans le silence

Chocolat

© photo : Kevin Riepl

Si les lettres de la Caf étaient écrites par des poètes, si les salles d'attente étaient équipées de flippers, si les radios de supermarché diffusaient du Leonard Cohen, si les pots d'échappement crachaient des bulles de savon, si chaque flic était accompagné d'un indien, d'un ouvrier en bâtiment, et d'un motard en cuir, peut être que la merde aurait un goût de chocolat.

C'est ici que ça se passe

© photo : Benoît Paillé

C'est à l'ombre des cils
près des lacs rétiniens
que naissent et meurent
les histoires d'amour

Fille du néant


C'est comme si cette fille
se rendait d'un désert à un autre
en passant par le désert

Traversée d'esprit


Certains matins c'est un peu comme si 
un troupeau d'éléphants venait de nous traverser l'esprit.

Mixeur temporel


Dans le mixeur temporel
des bouts de chair
du jus de peines
des pépins de cervelles

Au fond


Regarde-moi bien
au fond des yeux
au fond des idées
au fond des choses
au fond du cœur
avant de me regarder
au fond d'un trou

Chevauchée fantastique

© photo : Alain Germond

C'est un p'tit vieux qui lui a dit que la vieillesse c'était comme chevaucher un cheval aux pattes cassées dans un enclos sans barrières.

Tour de crayon


Écrire dans le crépuscule c'est divertir le ciel, faire son tour de crayon dans la cage vitrée de l'appartement, savoir qu'il est le seul public, immense, obscur, humide, effrayant. Comprendre que nous ne valons pas grand chose, quand il envoie son crachin sur les vitres comme il nous balancerait des cacahuètes.

Problème de logistique


Il fait ce qu'il peut, déplace juste ce qu'il faut les montagnes, essaie de changer le monde à la pince à épiler. Il ne se fait pas d'illusion, y va à tâtons, reste prudent, maintenant qu'il a compris qu'on ne peut pas prendre son courage à plus de deux mains.

Notre puissance


Nous trouvons dans l'isolement une forme de sociabilité intérieure. Une solitude douce et replète. Nous créons de nouvelles tribus, peuplons nos crânes, jetons aux autochtones quelques carcasses de rêves. Nous montons de petites guerres, provoquons les ras de marée qui engloutissent nos yeux. Il y a autant de gagnants que de perdants. Nous regardons ce petit monde évoluer dans le microcosme de nos cervelles. Nous mesurons enfin notre puissance.

Ronds


Nos vies sont faites
de ronds dans l'eau
de ronds dans l'air
de ronds dans la terre

Poème en forme de titres d'actualité


La pauvreté touche
de plus en plus d'actifs
une tuile pour l'édition
le convoi de déchets nucléaires
atteint sa destination finale
un remaniement cauchemar
la première liseuse couleur
les bleus ne lâchent rien
moi non plus

Pas de place


Les jours de l'enfance ont le ventre gonflé, ressemblent à des malles pleines à ras bord où seules les montres et les pendules ne trouveraient pas leur place.

Fleuve tristesse

© photo : Alain Constanceau

Qu'il est long le voyage de la tristesse 
quand elle prend sa source dans tes yeux 
et vient se jeter au bord de tes lèvres

Guerre des sentiers


Sur les sentiers marginaux, empreintes animales, ronces et feuilles mortes, font la guerre au papier toilette et aux emballages de bonbons.

Retour aux sources

© photo :Martin Andreasen

Les grands espaces, la liberté des yeux, des corps, des mouvements. Langues au repos et bouches bien closes. La perte des repères, la naissance des instincts, le déplacement des ombres. L'appréciation des sons dans le mutisme de la terre. Un labyrinthe sans parois où il est encore possible de s'égarer. Le seul endroit où perdre pied rend plus vivant.

Nouveaux jours


Dans les yeux du clochard
les cuisses rondes de la passante
un second lever de soleil

Les rêves trop purs sont fades


Il faut faire transpirer les rêves. Leur donner du fil à retordre. Saupoudrer dans leur tambouille juste ce qu'il faut d'extraits de cauchemars pour rendre palpitante la quête des choses sacrées.

La frontière de coton


Il y a nous tout en bas et une soupe noire tout là-haut. Entre les deux quelques nuages à la dérive tracent la ligne éternelle entre le petit tout et le grand rien.

Quelques contradictions


Le ciel bleu qui peine à transpercer les nuages. L'animal blessé qui doit courir pour marcher. La voiture abandonnée aux ragondins des fossés. La pluie fine qui s'écrase sur les parapluies. Les sourires discrets dans les yeux des perdants. L'entrelacs d'ombres comme une partouze d'humains, d'arbres, et d'animaux. La fille triste, une larme à gauche pour le passé, une à droite pour le futur. Il faut voir comme le matin raconte avec brio les petits dilemmes de nos vies.