Cultiver son jardin


Attendre que le poil dans sa main devienne une fleur
faire de sa paume un jardin paisible pour les doigts.

Pas plus, pas moins

© photo : Todd Hido

Dehors est bruyant, dehors est soufflant, dehors est meurtrier, dehors est sombre, dehors est imprévisible, dehors est une surprise, dehors est une rencontre, dehors est une guerre, dehors est un espoir de paix, dehors est une nuée d'oiseaux, dehors est un envol de promesses, dehors est comme dedans.

Pomme empoisonnée


Solitude
fruit de l'imagination
sur un arbre de poussière

C'est reparti pour un tour


Le lundi matin c'est comme si on avait attrapé la queue d'un Mickey du dimanche et qu'on préférait l'offrir à quelqu'un qu'on n'aime pas.

Sandwich de prédateurs


À cheval sur le monde avec sur notre dos le ciel
Écrasés entre les deux plus grands prédateurs

On fait ce qu'on peut


Dans les dimanches on lévite, on évite, on fait vite, on médite.

Quelque chose d'inimaginable

© photo : Frances Beatrice

Peut-être que les hommes les plus sauvages 
ont juste peur d'un monde sans animaux.

Cacahouètes

© photo : Amy Stein

Ma vie de friches
d'ivresses
de cacahouètes

Les bombes


Les cheveux seraient des champs de bataille qui abriteraient des bombes. Des bombes trop vieilles pour qu'elles aient encore la force d'exploser. Des bombes qui seraient comme des souvenirs que la peau aurait recouvert. Ces bombes auraient peu de chance d'être déterrées autrement que par un inconnu qui passerait par là, et glisserait quelques doigts dans le cœur des cheveux. Les cheveux resteraient pour toujours des champs de bataille, où des mains et des yeux joueraient quelquefois les touristes. Des touristes qui frôleraient les bombes sans jamais se douter qu'elles puissent être enterrées dans des champs aussi morts.

Question de point de vue


On ne monte pas là-haut
On descend là-dessous

Parution - Microbe n° 61 - septembre 2010


Le 61ème numéro de Microbe — spécial Richard Brautigan ! — est à l’impression. Avec ce numéro, la revue en est à dix ans d’existence.

Au sommaire :
Pascale Arguedas
Marc Bonetto
Michel Bourçon
Arnaud Bourven
Yve Bressande
Jean-Marc Couvé
John Ellyton
Virginie Holaind
Jean
Hozan Kebo
Roger Lahu
Philippe Lemaire
Louis Mathoux
Hervé Merlot
Jany Pineau
Thierry Roquet
Guillaume Siaudeau
Marlène Tissot
Thomas Vinau
Collages originaux de Philippe Lemaire

Les abonnés le recevront début septembre. Les autres ne recevront rien. Pour tous renseignements, contactez le patron.

Charogne s'expose


CHAROGNE sera en consultation et en vente du 1er septembre au 30 octobre lors de l'exposition ADVENTICES, à la galerie de l'Antre temps, 45 rue de la Parcheminerie, 35000 Rennes. Cliquez sur les images pour plus d'info...

Machine à laver


Il y a une fille près de la laverie qui attend son linge propre, comme un voyageur attendrait son train. J'ai l'impression qu'elle s'en foutrait bien d'abandonner tout ça ici et de repartir à poil sans ses fringues. Que ça ne lui changerait pas vraiment sa journée. Mais elle attend la fin du cycle, avec la tête pensive d'une fille qui attend qu'une machine à laver se termine. À croire que même une pile de linge mouillé, avec le temps, devienne aussi difficile à abandonner qu'un chien.

Jeu de l'oie


Tout le monde cherche quelque chose. Certains ne cherchent pas grand chose, mais il essaient quand même de trouver des petits trucs. Et dans cette quête du quelque chose, tout le monde finit par tomber dans un trou. Un peu comme si tout le monde jouait au jeu de l'oie en sachant qu'il ne pourrait jamais atteindre la dernière case.

Larme à l'œil des jours


Les jours sont tristes quand ils essaient 
de ressembler à ces nuits qui haïssent nos rêves.

Apprivoiser sa solitude


Certains rêvent d'une énorme ronde main dans la main autour du monde, pour ma part j'en suis encore à essayer d'apprivoiser ma solitude.

La longue route


La longue route, ses fossés à cœur ouvert, les plaies béantes des champs, les entailles des forêts, ses milliards d'appendices discrets qu'on ne pourra jamais voir autrement qu'en rampant.

Poupée russe


Le petit pois dans la tête de mon chat doit sûrement avoir 
un petit pois dans la sienne.

Cueillette


Des fruits qui pourrissent, des fleurs qui deviennent chair, 
et le jour qui essaie de nous cueillir tous les matins.

Exercices d'inspiration


Expiration de l'aspiration à l'inspiration.

Aspiration à l'expiration de l'inspiration.

Testament raté

© photo : Bill Thomas

Il fait bien noir entre les cuisses de la nuit. Je me suis assis là contre le pelvis des chênes et je t'écris entre deux doigts posés sur la gâchette. La nuit se bat sans nous, les chouettes n'ont pas besoin qu'on les regarde pour chasser à leur faim. Il me reste pour unique compagnon ce soir quelques souvenirs de toi en lambeaux devant mes binocles.

[Extrait de projet en cours]

Sueur de guimauve


Les sommeils
de la guimauve qui sent la sueur 
à partager autour d'un feu d'étoiles

Apprivoiser l'eau


Flaques de l'enfance
vagues adolescentes
étangs de nos vieux jours

Couverture


Les soirs
des matins
déguisés en nuits

Cibiches


Six biches s'éteignent sur les lèvres de la forêt, le jour part en fumée, le soleil devient un briquet vide à secouer.

Soupirer loin des tumultes


Chèvres, terrains vagues et cannes à pêche. Arracher notre tranquillité des mains tumultueuses de la ville. Entendre les soupirs du silence.

Vision du monde


La terre une boule
dans la gorge de l'univers.

Souvenirs brumeux


Depuis nos broussailles les souvenirs parfois
deviennent proies de dentelle.

Berceuse de bestiole


Nous ne valons pas mieux que ces bestioles qui camouflent leurs peurs dans l'écorce de leur peau. Pas mieux que ces proies qui n'attendent rien que le drap des fourrés pour bercer en paix le souvenir des batailles.

Couic


De ceux qui marchent à contresens sur les mains. De ceux qui fondent tous leurs espoirs en un long jour à la fin brutale. De ceux qui pensent que toutes les fins devraient revêtir le doux pelage d'un coup de lapin.

Feu de glace


La solitude est un ours en flammes sur un cœur de banquise.

Visite guidée


Le musée d'histoires naturelles est hors de prix, celui des beaux arts n'en parlons pas, j'ai voulu aussi faire un tour dans ce vieux parc naturel mais pas un rond à glisser dans la main du guide. Il y a bien cet endroit pas très cher où on peut voir le panorama toutefois assez médiocre de la ville, mais pas un gallon dans l'univers de mes poches. Il n'y a plus que tes yeux qui ne sont pas gratuits que les premiers dimanches du mois.

L'exemple des lierres


Aimer, de cet amour grimpant qu'éprouvent les lierres 
pour les vieux murs en pierre.

Les poches vides


Les jours avec les sans ont la même odeur
que les jours sans les avec.

Les nuits compactes


Ce n'est ni une légende ni une surprise. Les nuits compactes deviennent des jours de poudre. La coupole noire usée d'avoir grisé trop de mines vole en éclat chaque matin sur le carrelage d'une nouvelle aventure. Tout ce qui semblait soudé se désolidarise pour former de petites armées mal organisées. Des armées inutiles, lentes. Des armées désarmées qu'on envoie au casse-pipe se faire trancher les membres par les lames du soleil. Je ne suis pas le seul, je le sais. Je ne suis pas le seul à être chaque matin un verre qui vient de glisser des mains du ciel.

Soldat des fausses guerres


La lente agonie de mes yeux sur tes hanches, mes mains tremblantes essaient de rejoindre le front par monts et par vaux. Cacher mes doigts dans tes rides naissantes. Ne plus bouger. Camper entre tes lacs oculaires et la forêt de tes cheveux.

Secret de cuisine


Tremper ses yeux dans la confiture du ciel 
permet de donner du goût à la tartine du monde.

Les jours qui boitent


Formol de foie dans mon bocal de chair 
sur l'étagère des jours bancals.

Autoroutes vers le néant


Quand tu regardes dans le vide et que tu vois mille fois plus de choses que dans le plein. Quand tu dessines avec tes yeux. Quand tu construis des autoroutes entre ton regard et le néant.

Désolation


Teint pâle du ciel, occlusion intestinale des villes, diarrhée de rivière, ce matin une chance que le monde ne soit pas un être humain.

Au galop


Sur la pendule le cynisme d'une trotteuse passe au galop dans les plaines silencieuses de la nuit.

Vivre et mourir autrement


Opacité du sous-bois
nos vies de fougères
nos morts des piétinements de cerfs

Jeu de miroir


Je vois l'horizon dans tes yeux et tes yeux dans l'horizon.

Dans mon sous-marin


L'appartement est calme. Un cercueil en plus gai. Dehors semble sous pression et les fenêtres sont des hublots. L'impression d'être dans un sous-marin. La sensation que si j'ouvre une fenêtre le monde extérieur va tout engloutir et le soleil me noyer. J'évolue à pas de loup dans cette pressurisation étouffante. Dès que je jette un œil à la fenêtre je vois la lumière tout faire pour pénétrer dans le vaisseau. Le grand arbre en face est un cheval de Troie et les corbeaux des soldats. Je ne suis pas dupe. Ils n'entreront pas. Je les contemple avec une petite boule dans la gorge. Tant que je n'aurai pas fait surface je longerai ainsi les couloirs, avec la peur de me noyer dans les choses sacrées du monde extérieur. Pour l'heure je vis confiné, je regarde les choses de l'ombre, sans importance, je mesure seulement les petites distances. Si j'ai le compas dans l'œil c'est au premier degré. Mes mains sont trop loin de mes yeux pour m'en faire des alliées. Soudain l'alarme du sous-marin sonne. Le facteur probablement. Mon cœur palpite. Personne n'entrera. Je décide de ne rien faire, de rester ici. Dans mon vaisseau avec mes hommes. Encerclés par l'inconnu qui devient petit à petit aussi bleu qu'une mer. Je n'ai jamais su nager autre part que dans l'eau.

Abandonner son troupeau


Ce matin est un Border Collie maladroit qui ne parvient pas à regrouper les nuages.
Ce matin je suis un berger laxiste qui préfèrerait se faire abandonner par son troupeau.

Grand petit-déjeuner


Un peu de soleil fait la confiture sur tes joues. Le vent a une odeur de céréales. Les algues infusent dans la mer pendant que la fumée de ma cigarette tranche le flanc du ciel. Le plus grand petit-déjeuner qui puisse exister. Entre une tranche de ciel et une tranche de sable. Devenir les ingrédients.

Viens te battre


Les plus grands combats se mènent sans les mains. 
Les plus beaux pugilats se gagnent avec la bouche.

Crac !


Le bruit de l'os qui craque, l'étonnement de la branche qui cède, la défaite concentrée en un vacarme court, l'affaissement de l'espoir, le pouvoir de l'onomatopée.

Ras de terre


Impossible de te décrocher la lune, pas mieux pour les étoiles, foutu vertige, bassesses du corps engourdi.