Stalactites


Tes larmes d'hiver sont des stalactites dans un réfrigérateur.

Au fond du puits


Sache que ce n'est pas le soleil qui t'enverra des cordes au fond du puits. La pluie peut être...

Béquilles


Parfois il faudrait juste des mains comme des béquilles sur chacune de nos épaules.

Insultes


Et la voilà qui s'échappait comme un bateau fantôme dans le brouillard de sa cigarette. Il restait seul sur le quai, avec les poivrots, les relents de houblon, et les insultes gravées au couteau sur les tables en bois.

L'attrape-coeurs



"Ne racontez jamais rien à personne. Si vous le faites, tout le monde se met à manquer."
Jerome David Salinger

Orgasme



Trouver l'orgasme dans la chute retenue d'une goutte d'eau, dans la collision entre une plume d'ibis nippon et la vitre d'un immeuble Hausmann.

Au même instant


© photo : Jim Brandenburg

Dans les montagnes une chèvre subit les assauts d'un loup, très loin dans le désert un homme s'écroule dans la poussière de sable. Au même instant à mes pieds, un clope s'éteint.

Les paupières du ciel



Sous les paupières collantes du ciel les étoiles sont comme des bouts de verre qui font chialer les yeux de la nuit.

Tout autour



Tout autour il y a des couleurs passées dans le mixeur du vent. Des animaux microscopiques qui continuent de déconstruire demain en grattant la terre de leurs pattes à peine aiguisées. Il y a des collines clairsemées, des étendues vertes à perte de vue, des longs espaces penchés comme des "i" passés en italique. Tout autour il y a des piaillements d'oiseaux rouillés dont les ailes grinçantes couvrent le bruit. On peut voir les espoirs entrelacés dans les branches comme des barbelés incrustés. Il y a des voix d'hommes et de femmes, aiguës ou graves, perçantes ou lisses, déterminantes ou inutiles, des chants sans mélodie qu'on ne fredonne pas, qu'on se contente de baver dans l'air chaud de l'après-midi.
Des chances, suspendues aux nuages, qui parfois se tranforment en averses de malheurs. Des yeux, des nez, des bouches, d'égout ou de visage, des jambes de bois ou de chair, des bras de fleuve ou de bustes bien apprêtés. Tout autour ça bouge comme les pales d'un hélicoptère dans le beurre du ciel, comme un train avalé par un tunnel glouton. Il y a des pistes, des traces, des pas à suivre qu'on évite, ou dont on se sert comme d'une marelle. Il suffit de cligner des yeux pour tout faire changer, pour déformer les paysages et faire mourir des feuilles, pour voir s'envoler des nuées d'oiseaux ou allumer des myriades de lucioles.
Puis il y a elle. Au milieu. Elle est assise et tout autour la regarde dessiner son nombril sur une énorme page blanche.

Perfection



- Tu sais ce qu'on dit des gens trop parfaits?
- Non..
- Moi non plus, mais ça doit être quelque chose
- Ouais, ça doit être quelque chose d'être parfait...
- Allez va, prends ta hache et coupe l'autre bras...

Extrait du film "Les bucherons parfaits", 2076.

Tronçonneuse



T'es au moins aussi belle que l'inverse d'une tronçonneuse.

Equidés



Des chevaux décharnés, et une pluie de pommes tombant comme des peines sous leurs museaux. Assez de pépins pour écœurer jusqu'au plus idiot des troupeaux d'équidés.

Retour à la ligne



Des vagues d'encre coulent sur la page, de beaux petits "Q" s'exposent à la lumière, les mots plus bas ne manquent pas d' "R". Je leur sens pousser des "L". Soudain, je décide de retourner à la ligne, là où tout à commencé.

Prière pour Holly



Je vous contemple Holly, pleine de strass.
Les pêcheurs dorment avec vous.
Vous êtes jolie parmi toutes les vagues,
Et Érasme, le compagnon de vos naufrages, s'en réjoui.

Mouchoirs



Quand il est mort, les flaques du chemin se sont transformées en larmes, et nous sommes tous devenus des mouchoirs faisant les cent pas sur une joue de terre.

Inspiration



Son inspiration est irrégulière ! Ses idées foutent le camp ! On est en train de le perdre !

Mélodrame



Des brochettes de guimauve qui se rapprochent du feu, rien de plus que des chamallows qui s'en vont fondre dans les flammes d'un mélodrame.

Superstition



Il glisse sur des régimes de banane, il marche dans des fosses à purin, il voit des meutes de chats noirs à travers les barreaux de son échelle, et espère que demain verra fleurir des champs de trèfles à quatre feuilles.

Edelweiss



Tes joues ne sont pas mouillées de la dernière pluie. Tes rêves flottent depuis longtemps sur des ruisseaux perdus dans les montagnes. Tu arpentes jours et nuits les hauteurs lacrymales. Rassure-toi, les edelweiss poussent à nos pieds dans le ciel fangeux des souvenirs.

Avalanches



Quand leurs yeux se transforment en nappes phréatiques, quand leurs bouches deviennent des plaques tectoniques, quand leurs gestes provoquent les avalanches qui nous engloutissent.

Vairons



Les yeux vairons sont les chaussettes dépareillées de l'âme.

Momie


© photo : Darcy Norman

Le jour se lève, momie aux bandelettes de brume tirée des abysses étoilés, fait craquer ses branches et plonge son visage dans la rosée d'un matin maussade. Le jour se lève, et marche dans les pas encore frais du cadavre de la nuit.

Grognard



On parle des Poèmes pour les chats borgnes chez Le Grognard : ICI

Veilleuse



Une pauvre idée lumineuse dans sa petite tête, une veilleuse pour éclairer le gouffre de sa nuit.

Brume



Ils sont assis sur ce muret, le brouillard leur tombe sur les bras comme une épaisse béchamel, et ils se demandent bien ce qu'ils trouveront derrière ce rideau visqueux qui les enveloppe comme un drap de fortune.

Défenestration



Chaque fois qu'elle entrait dans une pièce, tous les yeux se collaient aux verres des lunettes, avant de se défenestrer.

Marmelade



Marmelade de crâne sur tartine de bitume, flaque de goudron et fumée d'échappements. La journée peut commencer.

Amourette de cuisine



Le soleil et le givre enlacés, les ébats de la lumière et de la glace fondue, la grâce d'une amourette de cuisine.

Trou noir



D'aussi loin qu'il m'en souvienne, je n'ai jamais eu de mémoire.

Carabines enrayées



Ce sentier est celui des chasseurs légers, des orphelins du gibier. Dans la boue sont imprimés des rêves de carcasses, des échecs supportables, et des carabines enrayées qui ne sont qu'un prétexte à passer un bon moment et devenir bredouille.

Hôtel



C'était un hôtel où l'on venait boire des mots et du vin, lire des visages comme des livres ouverts, où l'on ne venait pas chercher le repos mais séquestrer le sommeil bien loin des nuits.

Boucles rousses



Dans ses boucles rousses, elle retient prisonniers des troupeaux de regards, les derniers rais de lumière des longues journées blondes, et les minces filets de vent qui transforment ses cheveux en vagues. Dans ses boucles rousses on distingue l'entrée des labyrinthes complexes qui mènent à son cœur.

Chaînon manquant



Ce matin, debout au milieu de pas grand chose, la sensation d'être le chaînon manquant entre la crasse pulpeuse du ciel et la boue morveuse du sol.

Dialogues nomades



Voix intracrâniennes, dernière séance dans théâtre en flammes, imaginaire équilibriste sur rails désaffectés, bouches lunatiques, dialogues nomades, roulottes lancées à vive allure entre deux pots de yaourt.

Vautours



Des yeux comme des vautours
Des paysages comme des charognes

Nous marchons



Nous marchons vers des trésors déjà déterrés, nos mains sont des pelles que le temps fait rouiller, malgré tout cela nous marchons sur des routes enneigées, sans mettre de chaînes à nos pieds.

Gratte-ciel



Devenir un gratte-ciel, un épouse-étoiles, un harpon à nuages, une ventouse à univers, un aspirateur à voie lactée, pouvoir regarder la vie en face et lui apprendre à mourir.

Montgolfières



Quand le vent recoiffe les herbes dans les prés, quand il devient l'esclave de somptueux paysages, quand ses rêves se changent en montgolfières et sa tête n'est plus qu'un ciel azur à l'abri d'un abri bus enfondu.

Rien d'autre à signaler



Les herbes gelées dorment en bas, les hérons jouent avec le vent en haut, et moi je continue à cuisiner tout ça avec mes yeux dans la cuisine de l'hiver. Rien d'autre à signaler.

Manchot épaulard



C'était un jour heureux, les fleurs s'entre-butinaient, les arbres hibernaient dans les grottes du ciel, et il n'était pas rare de voir un Manchot-épaulard et une Méduse traverser la plaine main dans la main.

Dalmatiens



Les petites tâches d'encre de chine font de ses mains deux dalmatiens qui courent dans un champ de papier canson.

Kopeck



Il fait dans l'inutile, c'est un chercheur de toc qui rentre le soir sans un kopeck dans son tamis avant d'engloutir un repas mal mérité. Pourtant, depuis qu'il a fait des crasses à tout le village, on dit que sa tête vaut de l'or.

Caverne



Une grotte dans sa tête dont les parois lisses sont tapissées de reproductions. Le paysage dans lequel il est planté, des extraits de lumière diffuse, des nuits gangrénées, la végétation en mouvement dans l'horizon. La peau satinée de celle qui a peint tout ça pour lui dans la caverne de sa caboche.

Quille



Être une quille dans un jeu de chien, de la soupe sur les cheveux, la meule de foin sur l'aiguille.

Dénouement



L'odeur âpre des dénouements, le goût amer de la fin, le rugissement des défaites, la pluie dans les yeux des ombres victorieuses, l'étonnement de la nuit restée bouche bée sur le chemin des lumières.

Accouchement - janvier 2010

Ça y est, "Poèmes pour les chats borgnes" est disponible!


 

Quatrième de couverture:

C'est étrange d'écrire pour les chats.
Voici quand même quelques poèmes
pour les chats de gouttières,
parce que je me dis qu'il y a peut-être encore
des chats borgnes qui lisent,
la nuit, entre deux combats.

Présentation de l’éditeur :

Pour son premier recueil de poésie, Guillaume Siaudeau a choisi la collection “ minuscule” d’Asphodèle qui convient parfaitement à son écriture courte et dense. Il nous entraîne sur des toits, dans les terrains vagues, les coins sombres, la nuit, des endroits où l’on feule, où l’on miaule, où l’on ronronne, où l’on a, serait-ce pour un temps seulement, la capacité de ne plus voir qu’avec ses yeux.

Pascal Pratz, Asphodèle éditions.

Format 10,5 x 14,8 - 52 pages - 7€

Pour le commander, c'est ICI

Miaouw....



Banquise



Dernière allumette, dernier souffle, ultime combat, même claquement de dents que le dernier homme à poil au milieu de la banquise.

Dernière lumière



Nos désespoirs comme des nuées de moucherons qui se jettent de toutes leurs ailes sur la dernière lumière de la nuit.