Comme on compte les moutons


Nous roulons depuis
un bon moment
il ne fait ni jour ni nuit
il fait entre les deux
Le ciel est une couleur fanée
Fouines chats buses et renards
nous regardent passer
Nous roulons depuis
un bon moment
sur cette voie rapide
et pour ne pas m'endormir
je compte les animaux
crevés en bords de route

Voyages parallèles


Des yeux comme
d'autres destinations
des bras comme
des colliers de fleurs
Des lèvres comme
des atterissages

Souvenir de baiser


 Son goût de champignon
de neige
de bourgeons
de soleil
L'impression d'avoir
4 saisons
au fond de
la bouche

Vents contraires


Première contribution spatiale au site Vents Contraires, 
à lire sur la piste d'envol ICI

Main dans la mort


Je rampe
je mue
m'adapte aux ciels
et aux formes des nuages
laisse mes pas
me suivre et s'éteindre
à mes pieds
Je vénère hier
qui n'attendait rien
de demain
Je sculpte
dans les carcasses
de souvenirs
J'entaille des crocs
les minutes qui
me précèdent

Je me pose beaucoup
moins de questions
maintenant que j'ai compris
qu'on finit inévitablement
par mourir
en lui tenant la main

Bouche à gueule


Nos petites bouches
posées sur les lèvres
de l'horizon
De minuscules baisers
qui ne laissent aucune trace
Nos têtes dans cette gueule béante
Les bêtes sauvages
qui applaudissent
La conviction que nous pouvons
embrasser demain
du bout de nos petites
chairs rouges
sans lui montrer les dents

Dans les jumelles du temps


Voir loin
dans les jumelles du temps
Distinguer les jours qui arrivent
piane-piane
et qui bientôt
grossissent
grossissent
grossissent
jusqu'à venir dévorer
sous nos yeux
les petits jours usés
qu'on a déjà trop vu
grandir

Dent d'requin


Il ne sait pas très bien
si c'est
une patte de mouche
une patte de coccinelle
ou une patte d'araignée
Il ne voit pas trop
à quel insecte
peut bien appartenir
la patte qu'il a trouvée perchée
sur cet ilot de poussière
mais s'il était marin
il en ferait volontiers
sa dent d'requin

Plexus-S


Une contribution, "Nuits-fakir", à lire sur le site Plexus-S

Dehors VS Dedans

© photo : Leslie Marsh

Dehors ça roule, ça klaxonne, ça fume, ça insulte, ça se réveille, petit à petit, ça chante, ça bosse, ça crisse, ça fait la gueule, ça avale de la pluie, ça retire des tunes, ça paye, ça fait la manche, ça lave, ça s'embrasse, ça rit, ça pleure, ça appelle, ça s'accidente, ça vrombit, ça siffle, ça laisse tomber des clés à molette, ça aboie, ça tousse, ça courbe l'échine, ça vente, ça ébouriffe, ça essaie d'aspirer de tout son cœur humide tout ce qui dort encore dedans.

Du caviar pour les idées


Un verre de vin
une clope
du rouge
et de la fumée
du charbon pour
les lèvres
de l'essence
pour les veines
un peu de caviar
pour les idées
du rouge
et de la fumée

Glace au chocolat


Il a dit la plus grosse 
connerie de sa vie
dans l'oreille de
cette fille
il lui a dit
qu'elle lui faisait penser
aux glaces au chocolat
de son enfance
Elle l'a giflé
une énorme gifle
pleine de doigts
pleine de veines
au nom de
toutes les filles
que les mecs prennent
pour des friandises

Glagla


Il pointe
sa trogne de verre
et les mains se faufilent
dans les poches
dans les paumes
ou bien
dans les culottes
une fuite aux abris
la quête d'une chaleur
le brasier qu'on allume
d'un claquement de doigts
leur dérobade
une dernière danse
de sang froid
un répit de carton
avant de reprendre
à suer comme hier
entre deux soleils

Chronique de crevasses

© photo : Florian Gerbaud

Une belle chronique sur "Quelques Crevasses"
à lire sur le blog de Romain Verger : MEMBRANE
où vous pouvez aussi retrouver le chouette travail de 
l'auteur des "Forêts noires"

La dernière cigarette


Il est en sueur
vêtements en lambeaux
quelques mots morts
pendent à ses lèvres
Ils sont nombreux
à parcourir les plaines

Il la trouve au pied de l’arbre
c’est la dernière cigarette
[elle est à lui
pas aux autres brutes]
se rue dessus
la caresse
la baise
la glisse dans sa poche

Il y est presque
plus qu’à trouver
l’homme qui détient
la dernière allumette

Flamme de dragon


Il s'en passe des choses
chez la boulangère
De quoi écrire
un bon bouquin de
contes et légendes
Et elle raconte bien
la boulangère
et elle y met les formes
Dommage que son pain
ait l'air d'avoir été cuit
à la flamme de dragon

Parution - À la dérive - janvier 2011


Une contribution à la chouette nouvelle revue en ligne À la dérive
Cliquez sur la couv pour rejoindre le bateau, qui héberge la belle troupe que voici : 

ALAIN, ZOÉ BALTHUS, GEORGES BATAILLE, BOBI+BOBI, EMMANUEL BOURDAUD, MAYA BYSS, ANDRÉ CANIVEZ, CLAUDE CHAMBARD, ANITA CONTI, ALAIN CORBIN, DANIEL DEFOE, MICHÈLE DESBORDES, GUSTAVE DORÉ, SÉBASTIEN DOUBINSKI, ISIDORE DUCASSE, ÉLIE FAURE, GUSTAVE FLAUBERT, EMMANUEL GEORGES, MECISLAS GOLBERG, JULIEN GRACQ, MARCEL GRIAULE, KARL GRÜN, LUDWIG HOHL, HOMÈRE, CORINNE JULLIEN, JUVÉNAL, KAMONO CHOMEI, ANNE-FRANÇOISE KAVAUVEA, XAVIER LAFON, ROGER LAHU, LE CORBUSIER, LOUIS LE PENSEC, CARLA LUCARELLI, CHRISTOPHE MARTINEZ, VONNE VAN  DERMEER, MARIE MICHEL, TOMASO’CROHAN, ORFO, OVIDE, PHILIPPE PACHE, GIUSEPPE PALUMBO, ODILON-JEAN PÉRIER, ÉRIC PESSAN, EDGAR-ALLAN POE, PSAUME, PASCAL QUIGNARD, STEPHANE RAISON, CÉLINE RIGHI, CLÉMENT ROSSET, ANDRÉ ROUGIER, SÉNÈQUE, MARKOS SESTIOS, GUILLAUME SIAUDEAU, ALAIN SOUCHON, VALÉRIE SOURDIEUX, JULIETTE THOMAS, PAUL VALÉRY, ROMAIN VERGER, VITRUVE, JOHN WILLIAM WATERHOUSE

Poème spatial


Il est tard
le ciel s'effrite
au fond de tes yeux
au fond de nos mains
aimantées
et nous brassons
de la poussière
de météorites

Là où la folie commence

© photo : Alec Soth

La folie commence
là où s'arrête
le trimard
de l'enfance

Bricolage du dimanche


Dehors
ça crisse
ça pétille
ça étincelle
ça soude
ça bricole déjà
de quoi nous réparer
au plus vite
pour que nous soyons prêts
demain

Rester au chaud entre ses rêves


Parfois se lever
comme on se
recoucherait
ailleurs

Contribution polyvalente à dilution variable


Un poème de maison délabrée aujourd'hui sur FPDV.

Le vitrail de nos amours


Quand les ombres
s'accouplent
que le sol devient
échangiste
le vitrail
de nos amours

La plupart des ennuyeux


La plupart des filles
ennuyeuses
passent leur temps
à se recoiffer
parce que
la plupart des mecs
ennuyeux
passent leur temps
à les ébouriffer

À propos de laideur et d'amitié


"Entre un garçon et une fille, il n'y a d'amitié possible que dans la laideur" qu'elle lui a dit. "Ainsi nous ne serons jamais amis" qu'il lui a répondu. C'est vrai qu'ils étaient beaux comme des anges maquillés. Alors ils sont partis chacun de leur côté, se retournant l'un et l'autre plusieurs fois pour regarder le cul de l'ami trop tôt perdu disparaître doucement dans la nuit.

En suivant les pointillés


L'aurore se découpe
un petit matin
aux contours flous
dont mes yeux
sont les ciseaux

Le grand joueur


La poisse lui dégouline des mains et de la bouche. Une poisse bien épaisse qui lui coule le long du corps et atteint ceux qui l'entourent. Il est le loup du piège, la mouche de la tapette, le chien de la laisse. Quand il veut quelque chose, le quelque chose arrive à l'avoir lui. Il est l'arbre fendu de l'orage, une chaussure à merdes de chiens, l'amant rêvé des catastrophes. Finalement, c'est un peu comme s'il jouait sa vie avec un dé à une face. Heureusement qu'un embryon de chance a un jour fait de lui un grand joueur.

Équilibrisme mental


Nos petites  odyssées 
funambules
nos comas artificiels
La frontière entre nos rêves
et le jour qui se déploie
Notre façon de
tenir en équilibre
sur un fil
entre un palais imaginaire
et une montagne
de factures

Sommeils de pierre


Les souvenirs
sont des dinosaures
qui se reposent

Un vieux type inventé de toutes pièces


J'aurais bien aimé
qu'un vieux type me dise un jour
une main sur l'épaule
"Il ne faut jamais
sous estimer
l'inestimable"

Poème pour la faucheuse*


* Fonctionne également pour les huissiers

Je ne pourrai pas me libérer
pour notre rendez-vous
et m'en excuse sincèrement
Fixons dès aujourd'hui
si vous le voulez bien
une autre date à laquelle
je ne serai pas disponible

Dressage de nuit


Si chaque jour
était de ciel noir
alors les hommes
apprivoiseraient enfin
la nuit

Discours de boucher


Elle lui a pourtant dit
mais il n'a rien voulu savoir
pour lui c'était normal
de saluer les gens
de cette manière
Un jour elle en a eu marre
de ses mots hachés
de ses paroles tranchantes
et lui a balancé froidement
"On ne dit pas bonjour
comme on coupe de la viande"

Braquage d'hiver

© photo : Hulton-Deutsch Collection Corbis

Il fait froid
Je regarde par la fenêtre
qui regarde dehors
Et des enfants
la tête au chaud sous leurs petites cagoules
s'apprêtent à braquer l'hiver

Sur les catalogues de supermarché


Quand j'étais môme
je me demandais
comment il était possible
de ne trouver aucune faute d'orthographe
dans les bouquins que je lisais
et croyez bien que ces bouquins
me paraissaient énormes
Aujourd'hui et avec du recul
je me demande
comment il est possible
qu'on laisse toujours une faute
même dans le plus petit
foutu bouquin trônant
sur la plus petite des bibliothèques
et jusque dans le plus infâme
des catalogues de supermarché

En poursuivant les bus

© photo : Gérard Lavalette

Beaucoup pensent
qu'un bon poème 
doit donner l'impression
d'avoir été écrit
au calme
assis sur un rocher
à regarder la mer
un perroquet sur l'épaule
[ pourquoi pas ?]

Pourtant il y a des jours où
je n'ai plus le temps
d'écrire des poèmes
qu'en courant
derrière les bus

Les graines de l'hiver


Le ciel grisâtre d'hiver
picore les oiseaux
jusqu'à ce qu'ils s'envolent

Un mal pour un bien


C'est ainsi que
les petites bestialités
travaillent dans nos têtes
à l'ancienne
comme les ouvriers précaires
à qui on vole le jour
au même titre que
les chutes de graines
enfantent les fleurs
C'est ainsi
Nous devons souvent
nous faire mal
pour que les autres
nous fassent du bien

Tchao !


Un de ces hommes rustres
dont la bouche sert
de dépotoir à clopes
Ce genre de types
qui quand ils vous croisent
ne disent pas "bonjour"
et pensent "au revoir"

Un bon jour pour vivre

© photo : Lee Robinson

C'est un bon jour pour vivre
la mort est tout autour
il nous suffit de construire
des petites cabanes de bonheur
pour l'enfermer dehors

Pour te faire un dessin


Pour dessiner un sourire
sur un visage rugueux
il faut avoir
bonne mine
et un sacré
coup d'crayon

Attendre les bateaux fantômes

© photo : Jason Knott

Tu sais attendre ce train
ou attendre autre chose
n'est qu'une question d'attente
Mais je ne voudrais pas que tu croies
que je fais ça avec
la pénible impression d'attendre
un bateau fantôme
Et quand bien même je deviendrais pirate
je n'attendrais pas autre chose
que ce foutu train
qui n'en finit pas
d'entrer en gare

She's back

© photo : Albert Watson

Plus un geste
mains sur la tête
face contre sol
le droit de garder
le silence
la nuit revient

Publication - Quelques Crevasses - janvier 2011 - Editions du Petit Véhicule




Édition classique / 82 pages / Reliure à la chinoise
Illustration de couverture / Magali Planès



Édition "De luxe" / 
série limitée à 20 exemplaires numérotés / 
82 pages, sur papier ivoire / Reliure à la chinoise
Illustration de couverture : Magali Planès


QUELQUES CREVASSES / Éditions du Petit Véhicule 
 Extrait de la préface de Luc Vidal : "Crevasses, fentes dans un mur ( et c’est de l’autre côté du mur que commence l’aventure) ou bien gerçures des lèvres. On ne sait pas de quel côté le poète Guillaume Siaudeau en nommant son livre Quelques Crevasses veut nous embarquer de prime abord. Ce titre est un point d’interrogation. Chaque poème une réponse sensuelle, géographique.Ces Quelques Crevasses / fentes à la lisière desquelles le poète propulse son rêve et ses pas donne un livre d’amour instantané. Chaque mot, chaque poème ( dont la forme est d’ailleurs totalement libre comme un vers blanc) est l’écho fertile du silence appartenant « aux extrémités du jour ».[...]"

"Plus de silence ici
que dans le ventre
d'un animal mort
Impossible de dire
s'il est très tôt le matin
ou très tard le soir
Le silence appartient
aux extrémités du jour"

Édition classique > 12 euros (+2 euros de frais de port)
Édition "De luxe" > 24 euros (+2 euros de frais de port)
La sortie officielle est prévue pour le 5 février. Pour le commander, vous pouvez soit passer par moi en m'envoyant un p'tit mail pour les modalités, soit envoyer directement votre chèque à l'ordre des éditions du Petit Véhicule : Éditions du Petit Véhicule, 20 rue du Coudray, 44000 Nantes.

La fille morte qui passe dans la petite ruelle


Il ne manquerait pas grand chose
à cette fille
pour faire croire aux autres
qu'elle est vivante
mais elle n'y arrive pas
et quand elle passe
entre les murs de la petite ruelle
on peut voir jusqu'à son ombre
se faire écraser

En toute modestie


Vous êtes vous déjà retrouvé
à poil au milieu de la banquise
entre deux ours polaire
du sang plein les crocs
avec pour seule arme
une peau de phoque séchée ?

ce n'est pas pour me vanter
mais c'est ce qui m'est arrivé
pas plus tard que cette nuit

Pêche miraculeuse

© photo : Louis Lucchesi

Un jour se rendre compte
que peu de choses
nous tiennent
petits hasards de vies
amours squelettiques
et parfois seulement
quelque regard épique
noble paysage
vient se perdre
dans les filets
de nos yeux