Filles fertiles


Des filles avec des fleurs au fond des yeux et des jardins enluminés dans le crâne, des hommes qui forment des rangées d'arrosoirs secs tout autour. Des filles aux rétines fertiles et pensées vagabondes et des hommes aussi secs que le sol d'une forêt après un incendie.

Poésie culinaire


Poème à base d'oignons pelés pour faire pleurer les gens.

La guerre est terminée


Le jour a remporté la guerre. De la poussière épaisse, la fumée des objets immobiles. L'aréole d'un sein fait la corbeille dans la chambre et le soleil s'improvise fruit.

Ces mains


On ne peut pas oublier ces mains. Ses mains. Qui se sont frottées à l'osier, qui ont construit des paniers comme on bâtit des empires. Simplement. Qui ont plongé dans la gueule des brochets pour en extraire hameçons poisseux et vifs à l'agonie. Ces mains qui ont taillé du bois, enlevé des épines, passé le motoculteur sur les champs de mine des jardins. Des mains ridées. Les plus ridées qu'on connaisse aussi bien. Des mains de grand-père quoi. Qui ont dépecé des lapins et caressé les œufs du poulailler, quand les poules étaient encore rentables. Ces mains comme des vieilles branches crochues qui ne sortiraient jamais de l'automne. Qui n'ont pas changé d'un iota. Qu'on touche parfois des yeux quand les paupières sont closes. Ces mains qui ont cueilli plus de fleurs que nos pieds n'en ont écrasé. Ces mains qui n'existent plus. Mais qu'on n'oublie pas. Car tant qu'il y a des brochets et de l'osier dans les souvenirs, il y a encore ces mains sacrées, juste à côté, qui tiennent un verre de vin rouge et qui tremblent.

Le vieil homme assis


C'est rituel, quasi obsessionnel. Il engloutit son pain rassis et liquide son demi litre de pinard. Il sort et s'assoit sur le muret, pour un tête à tête avec la mer. Alors, du haut de sa vieillesse et à travers les rides qui lui camouflent les yeux, il regarde passer les nuages, les enfants, les corbeaux, les pétales enlevés par le vent, les aiguilles sur le clocher de l'église. Du haut de sa vieillesse il continue à briller comme un bout de métal au soleil, même s'il ressemble plutôt à un lampadaire tordu à qui il faudra bientôt changer l'ampoule.

Miracle


Il avait une gueule pas possible. Tout était possible mais pas sa gueule. Non, ça c'était pas possible. Ça y était, je croyais enfin aux miracles.

Parution - Microbe n° 59 - mai 2010


Le 59ème numéro du Microbe est bouclé !
Au sommaire :
N
icolas Brulebois
T
héophile de Giraud
c
o errante
C
hristophe Esnault
J
ason Heroux
D
iana Magallón
C
armelo Marchetta
L
ouis Mathoux
J
ean-Baptiste Pedini
T
hierry Roquet
G
uillaume Siaudeau
A
ndré Stas
M
arlène Tissot
P
hilippe Vidal
T
homas Vinau
Illustrations : Piet Linken
Les abonnés le recevront début mai.
Les autres ne recevront rien.
Pour tous renseignements, contactez Éric Dejaeger

Ballons de baudruche


Nous traversons nos vies bordéliques en rampant, nous glissons sur des bateaux ivres, nous sommes des ballons de baudruche qui crèveront avant d'avoir porté leurs messages, des fumées de cigarettes. Nous finirons par nous confondre avec les nuages.

Il y a elle


Il y a tous les autres, tous les objets, et puis il y a elle. Elle qui semble plonger dans l'eau quand elle s'assoit dans l'herbe en s'équilibrant avec les mains loin devant. Elle qui prête son visage au soleil et aux branches pour qu'ils le tapissent de tatouages provisoires. Elle et ses sourires aventuriers qui parviennent à gravir les montagnes les plus noires. Il y a toutes les merdes, et puis il y a elle. Elle qui balance son petit cul entre les précipices des fossés où gisent les fleurs colorées du printemps. Elle qui ne se retourne jamais, qui fait gracieusement le bulldozer dans l'horizon en mousse. Il y a tous les autres d'un côté, elle de l'autre, et moi je regarde son corps menu faire pencher la balance sous les nuages qui filent dans le temps comme des bagnoles de pompiers.

Publication : Boucle d'oeil - avril 2010




Mon nouveau bouquin vient de sortir aux éditions Nuit Myrtide. Il s'appelle "Boucle d'œil", c'est une errance polaire, un conte fait de poèmes en prose illustrés par Magali Planès.

"Les longues routes blanches
sont des espoirs blottis
sous la dentelle"


Boucle d'oeil
16cm x16cm
couvertures rabat, n&b, 54 pages
prix unique: 10 euros


Si vous souhaitez le commander, faites-moi signe, ou bien rendez-vous sur la page catablogue de l'éditeur pour chopper son adresse et lui envoyer directement le chèque : ICI (pensez à indiquer le titre du livre...)

Vessies et lanternes


Nous serions assis là, des lampadaires se mettraient à pisser des flaques de lumière sur le goudron, et nous prendrions nos vessies pour des lanternes. Puis nous baladerions notre ivresse comme un chien dans la nuit à la lueur de notre urine.

J'me barre


J'me barre jusqu'à dimanche pour la sortie de mon nouveau livre, "Boucle d'oeil", chez Nuit Myrtide.
Il y sera en avant première, et sera dispo dès la semaine prochaine en commande. Plus d'infos à mon retour...

Je me demande

© photo : Cowboyshaunee

Je me demande si des fleurs faneraient dans ses cheveux, si sa gorge quand elle boit ressemble à une cascade, quel temps il fait derrière la peau ronde de son ventre, combien d'hommes sont arrivés au sommet de ses seins, combien de nuits sont encore prisonnières de son cœur.

Ne pas oublier


Je ne me rappellerai pas de tout, c'est certain, mais ton sourire mis à nu par l'audace du soleil est une des choses que je n'oublierai pas.

Nous marchons

© photo : here

Nous marchons sans relâche dans les matins léchés, dans les jours divisés que survolent les flèches, dans les soirs peureux lacérés de soleil, dans les nuits où les branches des arbres se rejoignent pour bâtir des prisons.

J'y vais

© photo : Thierry Raynaud

J'ai vu la flemme se dessiner dans les remous de mon pot de yaourt, me sauter aux yeux, courir dans le champ de bataille de la table, enjamber le beurre, tailler un short au sel, passer de justesse entre le litre de rouge et le verre qui va avec, et filer sur le dos de mon chat, avant de sauter dans le premier avion qui passait par la fenêtre. Et voilà que je me retrouve côté hublot assis près de ma flemme avec un grand verre de whisky et des paupières pleines à craquer de fainéantise, de repos, de voyage dans le grand ciel bleu qui nargue mon double resté scotché en bas. Je ne sais pas où je vais, mais j'y vais.

Despotisme


Elle nage dans le pollen et pleure. Ce ne sont ni des larmes tristes, ni des larmes de bonheur. Elle est inconsolable et pleure, et tout autour gonfle le despotisme végétal.

Rabbit


Il préfère qu'on le traite d'herbivore plutôt que de végétarien. Avec du recul je dois admettre qu'il est plutôt colérique, pour un lapin.

La mer est une orange


Depuis la berge la mer a le dos d'une orange, les vagues font les pelures, et les mouettes sont des mouches qui viennent saloper le fruit mûr qu'on s'apprête à engloutir.

Comme une horloge

© photo : Cezarius

Ça tourne pas rond dans sa tête, ça part dans tous les sens. Depuis qu'il s'est fait mettre la tête au carré, ça tourne là dedans comme une horloge qui vomit ses tripes.

Elagage


Un de ces dimanches taillés à la hache dans les gueules de bois.

Quelque chose qui tient du miracle


L'ombre des voitures qui traverse l'ombre des platanes a quelque chose de miraculeux.

Printemps en marche


Printemps en marche, tombée de rideau, cuisses nues sculptées dans l'air tiède de la ville, éclosion de chair.

Pile ou face


Des minuscules victoires s'entre-lynchent avec d'énormes défaites, la croisade des espoirs, un affrontement équitable qui repose sur le constat implacable qu'on a une chance sur deux d'avoir de la chance.

Tamis


Le tamis de mes yeux dans le fleuve des matins opaques. Quelques souvenirs de soleil et des croisées de regards prisonniers des mailles de la nuit.

Playlist


Tu es comme cette vieille chanson dont on ne se lasse jamais, comme cette chanson mélancolique que les gens mettent dans la playlist de leurs funérailles.

Bassine


Elle pleure comme un plafond humide et moi j'essaie de me transformer en bassine.

Hasard d'une rencontre


Ils ont pris le chemin de la plage. La décapotable aspirait la nuit qui venait s'enrouler dans leurs cheveux. Lui, partageait son regard entre la ligne blanche du bitume et les cuisses de l'auto-stoppeuse planquées dans l'ombre. Elle, ne perdait pas une miette de la route qui se déroulait comme la langue du plus grand serpent qui s'en va frôler sa proie. C'était vraiment une chance qu'ils se soient rencontrés quelques minutes plus tôt avec la même idée en tête. Le moteur mixait les autres bruits du soir, le hululement des chouettes, le chant militaire des cigales, leur respiration émue que le ventilateur de la bagnole faisait déborder du toit ouvert. Ils ont peut être roulé une heure comme ça, lui le pied sur la pédale et elle les yeux plantés dans le goudron. Vers minuit ils sont arrivés sur le parking. La caisse s'est encastrée entre deux places vides. Ils sont descendus de la voiture, puis de la dune qui débouchait sur la mer. Elle était calme, juste capable de faire quelques clapotis dans la nuit. Ils se sont regardés avant de courir à sa rencontre. Il lui a dit "tu es sure que c'est ce que tu veux ?" Et les yeux de la fille se sont agrandis pour répondre "et comment !"
Lorsque l'eau est venue caresser leurs pieds nus, ils se sont agenouillés puis ils ont sorti de leur poche de quoi concrétiser leur rêve. Seulement éclairés par des centaines d'étoiles posées sur l'eau ils ont alors commencé à boire la mer à la paille.

Dernière faveur

© photo : Joan Pla

Le condamné s'est alors carré une belle blonde longiligne au coin des lèvres, a embrasé ses cheveux, et lui a baisé les pieds jusqu'à ce qu'elle disparaisse en fumée au fond de son cœur.

L'homme de Néandertal


Quand j'étais môme je voyais les outils de mon grand-père comme des vestiges préhistoriques. Maintenant ils me font plutôt penser à des armes sorties tout droit du moyen-âge. Quand ils seront devenus ces trucs banals qu'on trouve sur tous les établis, je serai alors moi-même devenu l'homme de Néandertal d'autres enfants.

Baston


Si je trouve l'inspiration aujourd'hui, je lui casse la gueule.

Salon des éditeurs indépendants


Je serai là normalement le samedi 24 avril et un peu du dimanche 25 avril pour la sortie de mon nouveau livre qui devrait être prêt à temps et encore tout chaud, si Dieu le veut !

Premiers jours chauds


Les premiers jours chauds ont les hanches d'une fille belle à mourir et traînent derrière eux des robes en lambeaux de métal, des empreintes glacées, des parterres de fleurs profanés.

Fruits mâchés


Accumuler des rêves comme les ingrédients d'une liste de course égarée sous un étal de fruits mâchés.

Peu importe


Je ne sais plus si ce poème est sorti d'un bec de moineau, d'une guerre entre le soleil et la nappe de la cuisine, ou d'un rêve. Peu importe.

Les beaux jours


Quand les beaux jours reviennent et que je prends la route, j'ai toujours l'impression de rouler avec une planche de surf sur le toit. Pourtant je n'ai jamais surfé, mais j'ai toujours cette étrange sensation de filer vers la mer pour m'enrouler dans ses milliards de machines à laver. Et je me dis que si je surfais je ne ressentirais probablement pas autant de choses.

Comparaison filée


Ce matin le ciel portait aussi bien les nuages qu'une petite fille des collants filés.

Cligner des yeux

© photo : Wolleh

Là-bas ils clignent des yeux pour apercevoir des morceaux de rêves. Mais ils ne dorment jamais. Ils se contentent de cligner des yeux et d'imaginer ce qu'ils deviendraient s'il les gardaient fermés pour toujours.

Charogne #1 est en ligne !


Je viens de boucler le premier numéro de Charogne. Charogne est un magazine en ligne. De la poésie, des textes, des carcasses et des plumes. Au sommaire de ce premier opus :


Oceane Le Tarnec
Pascal Pratz
Julien Blaine
Eric Poindron
Thomas Vinau
Eric Dejaeger
Stéphane Prat
Perrine Le Querrec
Thierry Roquet
Antoine Bréa
Dimitri Vazemsky
Guillaume Siaudeau
Graphisme : Magali Planès

Il vous suffit de cliquer sur l'image de la couv' pour atteindre la publication, puis faites "affichage pleine page" pour le lire convenablement (un petit sigle parmi la barre des tâches en haut à droite). Charogne sortira irrégulièrement, vous pouvez déjà proposer vos textes pour le prochain, en vous rendant sur le blog de Charogne : ICI

Morbac


La vie qui soit-disant ne tient qu'à un fil est pourtant scotchée comme un morbac sur le flanc de la mort.

Dans un étau

© photo : Gustave Roud

Ne rien foutre prend tout son sens bloqué dans l'étau des herbes hautes et du ciel bleu.

Soldat des jours heureux


Dès qu'elle se trouve dans le collimateur du soleil elle revêt le camouflage des paysages ombragés. Cette fille est un soldat des jours heureux.

Début de poème

© photo : Outoforbits

Des débuts de poèmes comme des gouttes de rosée restées accrochées aux feuilles. Des mots humides qui sèchent avant de toucher le sol. Des débuts de poèmes en forme de fins.

Dans le viseur


Il faut faire avec les "plus ou moins", ne pas essayer de doser, il n'est pas nécessaire d'être bon viseur pour remporter la partie.

Intestin


La ville un intestin, les heures de pointe des occlusions, les diarrhées de la nuit qui fuient l'inflammation et rentrent se terrer au fond de leur trou.

Robe de cheveux


La robe de tes cheveux sur mon parquet d'épaules. Leur valse sur ma piste de bras. Ma peau figée sous l'ombrage de leurs branches.

Chercheurs d'or


Des secondes dans les mailles du temps, quelques souvenirs appauvris prisonniers du tamis, les hommes des chercheurs d'or dans les jours besogneux.

Prisonniers


Ils sont arrivés au pied du grillage. Il mesurait bien 3 mètres. On aurait dit les bas résille de la nuit. Ils ont escaladé et sauté de l'autre côté. Ça se compliquait. Il y avait des projecteurs qui balayaient le sol. Ils ont marché sur la pointe des pieds pour esquiver le danger. Au loin ils entendaient des détenus gueuler, chanter, et des éclats de rires. La liesse venait de derrière les barreaux. De temps en temps leurs yeux se croisaient. Ils avaient le reflet de la victoire. Le nuit avait posé sa tête sur la prison et ils évoluaient avec précaution entre ses lueurs ridicules. De temps en temps un garde se mouchait ou crachait dans la poussière. Ils se figeaient puis repartaient.
Puis ils sont enfin arrivés devant le dernier rempart. Des briques par milliers et des colliers de barbelés se prenaient pour des bijoux. Le jour était juste derrière la porte et il est apparu au moment précis où ils ont posé le pied de l'autre côté. Ils ont alors sorti leurs plus beaux sourires. Ça y était. Ils étaient enfin prisonniers.

Les premières larmes


Tu as quelque chose à voir avec les premières larmes du printemps qui se cassent la gueule des dernières fleurs rachitiques de l'hiver.