Chaque chose en son temps


Le silence est un peu 
comme les pelles
un jour tu t'en sers
pour creuser
un autre jour c'est pour
boucher des trous

La dictature des ronces - Alma éditeur :


"Un petit bout de terre perdu au milieu de la mer, un bouchon dans l’eau qui attend que ça morde. C’est là, sur l’île de Sainte-Pélagie, que s’installe un été le narrateur. Son ami Henri parti en voyage lui a confié la garde de la maison, du chien et du jardin. Une aubaine pour le narrateur qui s’ennuyait ferme. Bien décidé à sauver le potager des ronces et sa vie de l’atonie douce, il prend ses marques, observe le paysage, arpente ce nouveau territoire. Et fait d’étranges rencontres : un enfant inconsolable, un maire iconoclaste, un voisin au lourd secret, deux chasseurs d’étoiles... Petit à petit il se prend d’affection pour cet endroit unique et surprenant. L’île pourrait tout aussi bien être une planète perdue dans l’espace. Ce confinement dans un endroit improbable au large de nulle part confère à son expérience îlaise et à ses rencontres, l’intensité d’un retour au monde."

La dictature des ronces - Guillaume Siaudeau - Roman à paraître le 5 mars 2015 chez Alma.

Sale maladie


Une fois
n'est pas coutume
le courage
m'a pris ce matin
de trier toute
cette foutue paperasse
ce monticule de factures et de
correspondances avec
Pôle emploi et
d'échanges de mots doux avec
la CAF et 
j'en passe des pires et des
relances de taxe d'habitation
Eh bien croyez-moi
mes amis
je ne souhaite
d'attraper le courage
à personne

Nouvelle vie


Ce "sourire enjôleur"
et ces "lèvres charnelles"
ont quitté un
grand roman
à l'eau de rose
pour habiter
ce petit poème

La rue vue du 4ème étage


Une touffe de
cheveux gris
réprimande une
boule de poil
de la fumée s'échappe
d'une casquette
un mollard est éjecté
d'une capuche
Le toit des voitures
est au ciel
ce que la plante
de nos pieds
est au bitume

Zombies


Trouées de part en part
sous l'éclat
du soleil
les feuilles mortes
reprennent vie

Le locataire d'en face ne manque pas d'air


Il ferme sa porte
à double tour
mais dès qu'il peut
ouvre sa gueule

Infiltration


Un rêve fait diversion
En douce je traverse
une mauvaise passe

Avec les miettes


Il aimerait plonger 
avec sa tartine
au plus profond
du bol de café
Rejoindre les miettes
S'endormir pour de bon
au cœur de
cette nuit humide

Piste verte


Le réveil sonne
La chambre est froide
Les quelques mots
glissés à mon oreille
se prennent pour
des skieurs
en maillot de bain

Tomber dans l'oubli


Les souvenirs ont
besoin d'attention
comme les jardins ou
les tamagotchis
Les souvenirs qu'on néglige
trop longtemps
finissent au fond d'un
trou de mémoire

Sur le fil


Chaque jour
est une nuit
qui sèche

Comme une portée de chatons


Compressés entre
automne et hiver
quelques sourires
recroquevillés

Des efforts pour toucher le fond


Certaines journées
faites de courbatures
et d’essoufflements
donnent l'impression
de monter un escalier
qui descend

Pas besoin de voir pour le voir


On dévisage
le silence
en fermant
les yeux

Tri sélectif


À peine levé que
les bruits de la ville
emplissent peu à peu
mes oreilles
forment des petits
tas d'ordures
Mille petits sacs d'immondices
s'entassent ici
Soudain Chopin
sort les poubelles

Dans de beaux draps


Petit à petit
l'insomniaque défait
son lit

Sur son perchoir


Et la nuit
revient se poser
petit oiseau noir
craintif et affamé
sur l'épaule dénudée
du monde

Jungle urbaine


À l'arrêt de bus
un des quatre types
la dévore des yeux
Ses potes lèchent
la carcasse

Même combat


L'homme va
dans le monde
comme le vers
dans la pomme

À soulagement égal

© photo : Spazzy McGee

On entre
dans chaque jour
qui se lève
comme on sort
d'un supermarché

Problème de ponctualité


Ma motivation a
déjà une heure
de retard
Tant pis je pars
sans elle

Inégalités dans la chute


Dans quel monde
vit-on
pour qu'une tartine
de confiture
ait plus de chance
de survivre
à sa chute
qu'un oisillon

À David.

On se rappelle


C'est un début de semaine
morne et pesant
Silence et ennui
ont profité
d'un week-end agité
pour échanger
leurs numéros de téléphone

Funambule au rabais


J'avance
mot après mot
avec toute
la précaution nécessaire
pourtant il n'est
pas rare que 
je perde le fil
de la discussion