Une part de tarte !


"Certaines choses étaient irremplaçables. De ces choses qui partaient très loin ou très longtemps. Et on se contentait de planter des clous dans les arbres ou d’acheter un flingue, en espérant qu’un jour ou l’autre ça les ferait revenir."

Extrait de "Tartes aux pommes et fin du monde", à paraître le 14 août chez Alma.

Du cœur à l'ouvrage

Peinture : Emile Claus / The old gardener

Ses joues rosissent
puis le jour sifflote
et se crache
dans les mains
avant de nous jeter
hors du lit
un par un

AA


En équilibre sur 
ses deux pattes
titubantes
Il a levé
son verre 
de rhum
à sa soif de 
sobriété

Quelques rumeurs infondées sur Flash Gordon


Flash Gordon est né sous X
Flash Gordon ne savait pas pleurer
Sa première famille d'accueil
a d'abord cru que Flash Gordon était
un lion réincarné en homme
Petit il ne pouvait pas
regarder la lumière en face
Plus tard c'étaient les femmes
Flash Gordon était dyslexique
il confondait les mots
amour et humour
voiture et toiture
Avant de devenir super héros
Flash Gordon rêvait d'être agriculteur
Lorsqu'il a fumé son premier joint
il s'est pris pour Superman
Flash Gordon a loupé
2 fois son permis
2 fois son bac
Flash Gordon n'a jamais réussi à faire
un beurre blanc sans grumeaux
Flash Gordon avait une peur bleue
du dentiste
des serpents
et des rapports sexuels
Un jour il a passé 5 heures
en garde à vue pour avoir volé
un saucisson dans un supermarché
Flash Gordon n'a jamais voté
n'a jamais prié
n'a jamais cru à l'astrologie
Flash Gordon a toujours pensé que
la vie ressemblait à un énorme gâteau au chocolat
qu'on a du mal à finir
Il s'est toujours imaginé que
la fin du monde ressemblerait
à une soirée triste au coin du feu
Flash Gordon n'a jamais compris pourquoi
Mary n'avait pas voulu sortir avec lui
au bal du lycée
Flash Gordon s'est éteint seul
ses rêves emmêlés
Flash Gordon a disparu de la circulation
un jour où les nuages
faisaient ressembler le ciel
à une béchamel ratée


Précédemment paru dans la revue Capharnaüm n°6 / mai 2012

Au charbon


Fini de déconner
quand faut y aller
faut y aller
Ce matin tout a
repris sa place
le réveil
sur la commode
le baiser
sur le palier
et le nœud
bien ficelé
tout au fond
de l'estomac

Tu dormiras mieux demain


J'étais fin prêt
bien installé
yeux grands ouverts
concentration maximum
et je m’apprêtais à
compter les moutons
quand subitement ils ont
rebroussé chemin

Magnétisme


Les retrouvailles
sont des départs
aimantés

Drôle d'oiseau


Elle est plutôt fière
qu'un drôle d'oiseau
ait fait son nid
dans son cœur
mais l'hiver approche
et les jours
qui rétrécissent
ont souvent raison de
ses histoires d'amour

Les deux terreurs amoureuses


D'ici j'ai pu
tout voir
Ils sont arrivés
par l'ouest
ont pris leur temps
ont aidé
quelques passants
à faire grise mine
ont craché
ont tourné en rond
ont hésité
ont longé les corniches puis
quand ils en ont eu marre
les deux nuages
aux noirs desseins
ont quitté la ville
main dans la main

Au moment des retrouvailles


La nuit tombe
et annonce
de nouvelles retrouvailles
entre le ciel et le sol
Bien entendu
ils ne vont pas jusqu'à
se serrer dans les bras
mais on voit bien que
leur émotion inonde
le cœur des hommes

Celui qui pionce là-dedans


Plutôt que de
le bichonner
plutôt que de
le craindre
l'animal qui
sommeille en nous
aurait parfois besoin
d'un bon coup de pied
au cul

Phénomène inexpliqué


Après mûres réflexions
je ne vois que
2 solutions
Soit le voisin
du dessus n'avait
pas vu sa copine
depuis plusieurs années
soit il vient d'ouvrir
une menuiserie

Tour de garde


Nous formons
une belle équipe
la terreur
des après-midi paisibles
Aucun rêve
ne nous résiste
soudés comme
les doigts de la main
Plus rien ne vient à bout
de notre fatigue
on se pose là
et chacun notre tour
on guette le vide
on surveille le silence
on évalue le danger
d'un courant d'air
dans les rideaux
Je fais le mort et
le chat l'oreiller
puis de temps en temps
on inverse les rôles

À dormir debout


Elle est
le monde à l'envers
elle sait
quand se battre
et quand espérer
elle dort
à poings fermés
et rêve
les yeux ouverts

Donnez-moi des dauphins et des couchers de soleil


Il tourne en rond
rien ne vient
les mots restent au chaud
au fond
bien emmitouflés
à l'intérieur
Il regarde
sa montre
le chat
sa montre
la voisine d'en face
qui arrose les plantes
qui coulent sur
la voisine d'en dessous
qui gueule et
fait sortir celle
d'encore en dessous
Rien ne vient
alors il s’assoit
lève la tête et soudain
revoilà le coucher de soleil
cet attrape-nigaud pour
personnes à inspiration réduite
qui rapplique
sans prévenir

Strange love


D'une tendresse
maladroite
tomber amoureux
comme une tartine
du mauvais côté

Décalcomanie


La pluie a décalqué la nuit
et des cailloux brillants
se prennent pour des étoiles
la pluie a surligné dehors
deux trois choses importantes
s'est inspirée du haut
pour maquiller le bas
faisant du sol un ciel
pour les têtes à l'envers

L'effet papillon


Dans le jardin
près des pommes de terre
un papillon bat
des ailes
plus loin
à côté des salades
un môme explose
de joie

Sincère avec soi-même


Sûr qu'il n'avait pas
beaucoup de qualités
mais la nature
avait fait en sorte
qu'il louche assez
pour pouvoir
se regarder
dans les yeux

Mauvais sommier


Elle dort debout
le patron chante
sa petite berceuse
du lundi matin et
la journée de boulot
qui s'annonce a plusieurs
lattes cassées

Limiers


Tes yeux s'ouvrent
halètent
fouinent
dans les coins
de la fenêtre
La nuit à été longue
bruyante sous la peau
dressant 
sous tes paupières
deux fins limiers
à la recherche
de la lumière

CAF


Merci pour
votre patience
je vous informe que
le temps d'attente
pour arriver
à la fin
de ce poème
est estimé à
environ
5 secondes

Le petit tour des jumeaux


Tout est flou
l'horizon prend
la consistance 
d'une crème qu'on mélange
et d'ici le ciel et la terre
sont des jumeaux
qui ont échangé
leurs vêtements

Boomerang


La solitude
a fait d'elle
un boomerang
qui part du canapé
au petit matin
et revient s'y planter
le soir avec
seulement un peu plus
d'herbe et de terre
sous les chaussures

Chacun son rôle


Les yeux rivés 
sur le platane
il se demande à qui
il ressemble le plus
des oisillons
restés dans le nid
à se plaindre
ou du petit corps
sans plumes
tombé au pied de l'arbre
puis en définitive
s'identifie au vers
se dandinant dans le bec
puissant qui revient

Petit mais costaud


Le minuscule rêve
d'une micro-sieste
le petit songe sucré
pas plus haut que
trois pommes mais
vaste et ensoleillé comme 
plusieurs vergers