Au four et au moulin


Encore
une belle journée
qui ne prend
pas soin d'elle
trop occupée
avec nous

Savamment orchestré


Ici l'eau chante
pour les insectes
qui bourdonnent
pour les poissons
qui clapotent
pour les pêcheurs
qui jurent
pour retenir
le ciel qui tombe

Le nœud du problème


Sur le quai
de gare
gorge nouée
et ce souvenir
qui serre très fort

Philosophie de dernière minute


On a toujours besoin
d'un plus petit que soi
lui susurre la nuit
s'étirant de tout son long
alors qu'il était sur le point
de s'endormir

Le Schmilblick


C'est pas le genre de truc
à pousser
dans les arbres
ni à tomber du ciel
D'ailleurs on en voit
de moins en moins
traverser les cœurs et
les poèmes

Iceberg


Ce petit sourire
en cache un plus gros
on sent bien que
le bonheur
n'est pas loin

Par simple sécurité


C'est pas
ce que tu crois
Je ne quitte
pas l'appartement
les mains
dans les poches
mais les poches
autour des mains

Direction assistée


Sa bagnole
tousse grince et fume
autant que lui
Jusqu'au dernier moment
nul ne pourrait dire
lequel emmènera l'autre

Une histoire de goûts


Les oiseaux piaillent
sous la pluie
comme tu chantes
sous la douche
avant d'aller au taf
C'est à peu près
le même refrain
la même manière de
limiter la casse
Je préfère toutefois
ton interprétation
ta façon plus subtile
et plus juste
de relativiser

Enfin réalisable


Façonné à la chaleur
de nos désillusions
quand le rêve
a fondu
et qu'il tient
dans une main

Cours de rattrapage

© photo : Charles Borjes

Le long de l'autoroute
les champs gelés
apprennent aux animaux
à dormir
et au soleil
à fermer sa gueule

Saleté de flotte


Pour garder
forme et humeur
dans un état décent
elle préfère voir
la pluie qui tombe
comme de la neige
qui a mal tourné

Je vous le demande

Image : Lettres rouges / Dimitri Vazemsky

Que faire
d'un poème 
récalc!trant
qui a déc!dé
de mettre 
les po!nts
sous les !

Le monde à l'envers


L'arbre d'une ombre
Le ciel à terre
au fond d'une flaque
Sur le bas-côté
une branche posée
sur un oiseau

T'en fais pas va, ça peut arriver


Dites-moi
si je me trompe mais
en général
l'horizon est plutôt
du genre taisez-vous et
laissez-moi faire
D'habitude je lui fais
entièrement confiance
mais ce matin
on voit bien qu'il a
un peu de mal
et qu'il est prêt à
compter sur chacun

Par quel bout


Il est aussi difficile
de ne rien faire
que de faire
il m'arrive même
d'en venir
à me demander
par quel bout
ne pas commencer

Du vent


Elle est partie
sur un coup de tête
Il relativise
Elle claque
moins bien les portes
que le vent

À l'abri des regards


Fin d'après-midi
une goutte de sueur
caresse la flemme

Pas mettre le nez dehors


Finalement
ne m'attends pas
Il fait un vent à
écorner les livres

Ça devait finir comme ça


Une goutte
une goutte
une goutte
une goutte
une goutte
une flaque

Perdus en route


Nous sommes
ce que le temps
n'a plus
au fond des poches

On sait que c'est toi


Seulement vêtu
d'un drap blanc
avec deux trous
pour la lumière
le jour attend
les pieds mouillés
au coin de la rue

La Voix du Nord - Décembre 2015


Merci à Isabelle Raepsaet pour sa mise en lumière de Tartes aux pommes et fin du monde dans la Voix du Nord.